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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Mariama Gueye et Younes Boucif, deux interprètes de la série “Drôle”, saison 1. © Mika Cotellon/Netflix

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Série “Drôle” : pourquoi les humoristes se regardent-ils (souvent) le nombril ?

Clara Degiovanni publié le 15 avril 2022 4 min

Pour faire rire, faut-il parler de sa propre vie ? C’est le présupposé de la minisérie Netflix Drôle, créée par la scénariste Fanny Herrero (autrice de Dix pour cent), qui met en scène quatre jeunes humoristes parisiens souhaitant percer dans le milieu du stand-up.

Les apprentis humoristes y affinent des vannes qui fleurent bon le vécu. Ils évoquent leur expérience quotidienne, leur enfance, leur sexualité et, plus largement, leur rapport à l’existence.

Mais cette sincérité sur des sujets parfois très intimes à de quoi déconcerter. Pourquoi se mettre ainsi à nu ? L’humour ne devrait-il pas être, à l’inverse, pure-création, imagination, dépaysement, voire sortie de soi-même ?

Les réponses de Freud, de Hegel et d’André Breton.

 

Le stand-up est un triomphe du narcissisme

« Qu’est-ce que tu aimes dans la vie ?

— Moi je kiffe les docu animaliers, les boîtes, les meufs […], les actrices porno petites… C’est “golri” ça ?

— Tu veux parler de ton rapport au porno, c’est ça ? Tu en regardes beaucoup ? Quel genre ? »

Ceci n’est pas l’extrait d’un rendez-vous chez le psy mais une séance d’écriture. Dans cette scène de la série Drôle, Nezir (Younès Boucif), jeune humoriste coache son confrère Bling (Jean Siuen), en manque d’inspiration. Sa technique est simple : pour être drôle, il faut parler de soi, quitte à évoquer des pensées très intimes, voire douloureuses. « Parle de ça, […] de la peur que les gens ne t’aiment plus », répond Nezir quand son ami lui confie sa crainte de l’abandon. Selon Sigmund Freud, ce dévoilement de soi relève au fond d’une stratégie de déni. Par l’humour, explique le psychanalyste, « le moi se refuse à se laisser entamer, à se laisser imposer la souffrance par la réalité extérieures ». En faisant des blagues sur sa propre vie, le standupper met à distance son vécu, se sépare en quelque sorte de lui-même. Dès lors, l’humour en première personne apparaît comme une manière d’échapper à la vie réelle et à ses tourments. Pour Freud, l’humour fait ainsi « triompher le narcissisme » et « l’invulnérabilité du moi ». Il est une bulle de verre qui protège l’ego du blagueur de la violence du monde extérieur.

 

Le stand-up est une technique de défense

Rien ne se passe jamais comme prévu. Ce constat, simple et universel, est le point de départ de nombreux sketchs, portant sur l’écart entre la situation telle qu’on l’a rêvée et ce qu’il se passe dans la réalité. Dans la série, par exemple, Nezir raconte sur scène, et dans les détails sa première visite dans la maison d’Apolline (Elsa Guedj), la jeune femme qu’il souhaite séduire. Lorsque la mère (Pascale Arbillot) de cette dernière ouvre la porte, elle le prend pour un chauffeur Uber, le gratifiant d’un billet de 20 euros pour le remercier d’avoir ramené le bracelet hors de prix de sa fille. Contre Freud, on peut ici considérer que son sketch n’est pas une stratégie de déni, mais une manière de s’approprier un événement désagréable et gênant, qui, à l’évidence, ne s’est pas déroulé comme prévu. C’est ce que défend Hegel (Esthétique, II) pour qui le blagueur est celui qui arrive à prendre conscience de l’écart entre ce qu’il est, et celui qu’il voudrait être, ce qu’il souhaite et ce qui arrive vraiment. Loin d’être du narcissisme, l’humour apparaît alors une tentative de réconcilier « le monde extérieur », avec « la subjectivité ». Il permet d’affronter, en la mettant en mots, la distance souvent immense entre nos attentes et la réalité.

 

L’humour magnifie la honte

« Toi, c’est ton truc, tu transforme la merde en or ! » s’exclame Bling, évoquant la manière dont Nezir parvient à faire rire le public à partir de son passé familial difficile. Et en effet, le jeune homme n’hésite pas à aller très loin dans le récit de soi. Son corps, ses relations avec les femmes, la mort de sa mère : tout chez lui devient matière à rire. La technique vaut en humour, mais aussi en poésie. « Tu m’as donné de la boue et j’en ai fait de l’or », se targue Baudelaire dans l’épilogue du recueil des Fleurs du mal. Sauf qu’à la différence du poète, c’est sa propre « boue », ses épreuves personnelles que l’humoriste doit transformer en « or », c’est-à-dire en rires. Pour illustrer cette idée, le poète surréaliste André Breton utilise une métaphore agricole. Selon lui, l’humoriste est celui qui sait « se reposer sur l’humus dont use la plante » [le terme humus a d’ailleurs donné « humiliation »], dans le but « de réparer sa propre énergie vitale ». Rire de soi, pratiquer avec justesse le sens de l’autodérision est alors une façon élégante et salutaire de sublimer ses échecs, sans les renier. Il est, conclut Breton, un « moyen de sublimation », une manière « de choir en beauté ».

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