“Nope” : survivre à la société du spectacle

Otis et Emerald Haywood habitent un ranch à la lisière du désert californien. Éleveurs de chevaux depuis plusieurs générations, ces frère et sœur (incarnés par Daniel Kaluuya et Keke Palmer) travaillent à l’occasion pour l’industrie hollywoodienne, en tant que dresseurs. Lorsque leur père meurt, étrangement attaqué par des objets tombés du ciel, ils ignorent qu’une succession de « mauvais miracles » changera leur destin. Un monstre aérien rode et menace en effet de les engloutir…

Dans Nope, l’un des meilleurs films de l’été, le réalisateur Jordan Peele multiplie les références aux prémices du septième art (le décor de western, l’allusion aux photos animées de Muybridge datant de 1872, la présence d’une caméra ancienne à manivelle…), pour mieux réfléchir à l’industrie du cinéma et plus généralement, au règne contemporain des images. Notre époque est-elle vouée à se laisser phagocyter par elles ?

Images monstrueuses

La créature qui sème la terreur sur le ranch des Haywood prend d’abord des atours de soucoupe volante. Mais rapidement, elle se métamorphose et dévoile un orifice organique terrifiant, par où sont ingérées puis digérées les victimes. L’ovni est un monstre bien vivant, en quête de chair fraîche... Otis, dit « O.J. », finit par comprendre que seuls les êtres qui regardent fixement cet ectoplasme gris sont susceptibles d’être anéantis. L’ovni se nourrit en réalité de ses propres spectateurs. Qui lève le regard, périt ! Le monstre se fait alors allégorie, celle d’une société où les images sont devenues omniprésentes et tyranniques. Plus le film avance, et plus l’orifice de la créature fait d’ailleurs penser à l’objectif d’une caméra ou d’un smartphone.