Que disait Emmanuel Macron de la démocratie lorsqu’il donnait des cours à Sciences Po ?
Il y a quelques jours, l’économiste Raul Sampognaro partageait la photographie d’un cours de culture générale dispensé, en classe de préparation à l’ENA (mise en place à l’Institut d’études politiques de Paris, c’est-à-dire Sciences Po), par Hugo Coniez… et Emmanuel Macron. Parmi les sujets abordés, celui de la « démocratie représentative » prend un sens particulier, en pleine crise de la démocratie. Analyse.
« La démocratie représentative est-elle le régime politique idéal ? » C’est l’intitulé d’un des cours de culture générale donnés par un certain Emmanuel Macron (en collaboration avec Hugo Coniez) en Prep’ENA en 2009-2010, récemment diffusé sur Twitter. Retitrée « La démocratie représentative », la leçon livre quelques indices sur la représentation de la démocratie de l’actuel président. À première vue, le cours a tout l’air d’un résumé assez correct des grandes approches de la démocratie représentative. Cependant, on remarque l’absence de certains grands penseurs de la question qui y auraient eu toute leur place. Minorant les critiques les plus vives, le propos finit par ressembler à la question de savoir comment l’on peut sauver la démocratie représentative. L’articulation du cours est la suivante : la démocratie représentative n’est pas parfaite, elle pose des problèmes, mais elle est le meilleur « compromis » possible qui permette, dans nos États modernes, au principe démocratique de trouver une expression politique viable. « Elle est le régime qui correspond le mieux à l’individualisme contemporain. […] Il n’y a pas de réel modèle concurrent. »
Rancière : compromis démocratique ou haine de la démocratie ?
L’argument est assez classique : « La démocratie représentative naît comme un compromis avec ce régime idéal, qui est perçu comme irréalisable dans les grands États modernes. » La démocratie à l’antique, ou la démocratie directe, sont devenues impossibles. On s’étonne ici que la leçon ne mentionne pas, même rapidement, la critique opérée par Jacques Rancière à cette idée. Pour Rancière, les promoteurs de la démocratie représentative n’ont pas fait au mieux pour adapter le principe démocratique aux conditions modernes ; ils étaient au contraire hostiles à la démocratie. S’ils ont inclus, dans leur vision, une forme de participation citoyenne, c’est qu’ils y étaient contraints. Mais leur objectif était tout autre, affirme Rancière dans La Haine de la démocratie (La Fabrique, 2005) : « La représentation […] n’est pas une forme d’adaptation de la démocratie aux temps modernes et aux vastes espaces. Elle est, de plein droit, une forme oligarchique. […] La représentation est dans son origine l’exact opposé de la démocratie. » Cette « haine de la démocratie », de la part des concepteurs des régimes politiques modernes, n’est presque pas évoquée, même à titre d’hypothèse, dans le cours. Est tout juste mentionnée, en une phrase, la critique, au nom de la démocratie représentative, des « engouements de la foule ».
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