Préférer l’original à la copie ?
L’Homme de Vitruve, signé Léonard de Vinci, a bien failli manquer à la vaste rétrospective organisée au Musée du Louvre, à l’occasion des 500 ans de la mort du maître.
À quelques jours de l’ouverture de l’exposition, le 24 octobre, la justice italienne a finalement autorisé le prêt, rejetant le recours d’Italia Nostra, une association de défense du patrimoine qui entendait retenir le dessin en Italie.
Pourquoi ces difficultés ? L’affaire tient autant de la conservation que de la diplomatie. Le dessin très fragile ne peut être présenté que rarement, avec une période de plusieurs années entre chaque exposition. Mais il est aussi question de nationalisme. Le précédant gouvernement italien, auquel participait La Ligue du Nord, avait rechigné à prêter les œuvres en rappelant que Léonard de Vinci, bien que mort en France et protégé de François Ier, était d’abord italien.
Pourquoi ce dessin importe tant ? Réalisé d’après une étude de l’architecte romain Vitruve, il incarne l’idéal « humaniste », positionnant l’Homme au centre de tout, comme mesure du monde. Comme l’écrit l’historien Patrick Boucheron, Léonard de Vinci « a une confiance déraisonnable en la représentation. Sa seule philosophie, c’est que le monde est représentable et que dès lors qu’on l’a représenté, on en rend raison. »
Pourquoi préfère-t-on l’original à la copie ? Pourquoi un tel émoi autour de la présence de ce dessin dans l’exposition, alors qu’il est mondialement connu et largement reproduit ? C’est, comme l’explique Walter Benjamin, qu'un objet authentique possède une « aura », une autorité symbolique. Un objet d’art porte les marques de l’histoire, charrie la liste de ses possesseurs, il manifeste « une singulière trame d’espace et de temps : l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il » (L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique). Inversement, pour Walter Benjamin, l’aura de l’œuvre, sa présence « hic et nunc », « ici et maintenant », ont été altérées par la société moderne et le développement des techniques de reproduction. Et la Joconde ? Elle restera dans la salle qui lui est réservée, au Louvre !
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