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Le 23 juin 2020, devant l'Assemblée nationale à Paris, la statue de Colbert, ministre de Louis XIV et instigateur du “Code noir” établissant les règles de l'esclavagisme dans les colonies françaises, a été maculée de peinture rouge par des militants antiracistes. © Christophe Petit Tesson/MaxPPP

Analyse

Patrick Boucheron : “Notre histoire est plus grande que celle qu’exaltent les apôtres des grandeurs de la France”

Patrick Boucheron, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 25 juin 2020 10 min

Le vaste mouvement antiraciste qui se manifeste dans le monde entier après le meurtre de George Floyd marque le retour de la politique, gelée durant le confinement. C’est la conviction de l’historien Patrick Boucheron que nous avons rencontré le 20 juin 2020. Pour le professeur au Collège de France, codirecteur de l’imposante “Histoire mondiale de la France” (Seuil, 2017), il ne s’agit pas de déboulonner les statues mais de rappeler qu’elles sont aussi là pour être discutées, bariolées, bousculées, changées, diversifiées. Et il se met en colère contre ceux qui accusent trop facilement de séparatisme les antiracistes. Un point de vue nuancé mais sans concessions.

« Je n’ai pas vu venir la vague, mais quand elle a surgi, je l’ai aussitôt reconnue. Les manifestations contre le racisme et les violences policières marquent le retour de la politique. Le confinement nous a obligés à vivre, ensemble mais séparément, sous le règne de l’indiscutable – en cela, il a suspendu la politique. Il a gelé l’espace public, il a bloqué les mouvements sociaux en cours, de la réforme des retraites à la révolution féministe. Aujourd’hui, c’est le dégel ! Nous entrons à nouveau dans la discussion. Dans le mouvement antiraciste qui s’est emparé de la jeunesse en écho mondial à la mort de George Floyd à Minneapolis, et par la coïncidence avec le résultat de la contre-expertise dans l’affaire de la mort d’Adama Traoré en France, je vois d’abord une soif de justice et de vérité. La demande est évidente, légitime et désirable. D’une certaine manière, elle nous réconforte. Un événement n’est pas toujours le surgissement de l’inattendu (les pandémies de Sras-Covid-19, à la fois prévisibles et stupéfiantes). Il est à apprécier dans la réplique, la reprise, la transformation qu’il suscite. En cela, l’événement est toujours ce qui advient : “ce qui advient de ce qui est advenu”, comme le disait l’historien du contemporain Pierre Laborie. Il ne vaut que par la séquence dans laquelle il s’inscrit. Si nous voulons penser ce qui s’est passé au printemps 2020, il faut donc nous souvenir de l’état dans lequel nous étions la veille. Nous retrouvons les problèmes là où nous les avons laissés, certains ayant subi de sévères régressions, qui seront peut-être suivies de nouvelles reprises : par exemple, l’avenir de la jeunesse, de la planète, la révolution féministe et la question biopolitique de l’inégalité des vies.

“Si notre regard a été aiguisé par l’expérience de la pandémie, c’est en nous rendant plus intolérants à l’inégalité des vies”

Patrick Boucheron

L’inédit au regard de l’histoire n’est pas la pandémie mais le consensus indiscutable, et adopté à un degré de mondialité jamais atteint, sur le confinement de la population. Dire ceci, ce n’est pas nier la réalité de la pandémie : ce virus a provoqué beaucoup de morts, il est dangereux et il faut s’en protéger ; je dis simplement que la pandémie n’a pas en elle-même un sens historique. Au regard des dégâts qu’elle cause dans tant de vies humaines, compte tenu de l’ébranlement profond qu’elle provoque en nous, je me refuse même à lui en donner un. En revanche, le fait historique est qu’on a, pour sauver des vies, toutes les vies et “quoi qu’il en coûte”, mis en péril l’économie, suspendu nombre de libertés publiques, mis en sommeil la démocratie, et d’une manière générale, renoncé temporairement à ce à quoi l’on croit, à ce à quoi l’on tient. Ça, on l’a fait, et on dit que si l’on doit le refaire, on le refera. Et les jeunes l’ont entendu. Ils ont entendu leurs dirigeants affirmer que le monde où nous vivons reconnaît à la vie une valeur inconditionnelle. Ce principe doit donc valoir pour toutes les vies. Le HCR [le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés] vient de nous alerter sur le fait que 80 millions de personnes dans le monde sont actuellement en train de fuir les guerres et les famines. C’est un chiffre sans précédent : l’inconditionnalité doit valoir pour ces vies-là aussi. Aux États-Unis, les Noirs meurent davantage que les Blancs du Covid-19 et des violences policières : leurs vies, elles aussi, devraient valoir inconditionnellement – Black lives matter. Si notre regard a été aiguisé par l’expérience de la pandémie, c’est en nous rendant plus intolérants à l’inégalité des vies. Les jeunes ont entendu aussi, et accepté, que l’on ait pu sacrifier leur formation et obérer leur avenir pour sauver des vies majoritairement âgées et fragiles. On leur a concédé les terrasses de cafés et la fête de la musique, ils ont pris la rue. Et je crois que les gouvernements, à partir de maintenant, seraient avisés de ne pas considérer cela comme un pur défoulement. Le mouvement ne va pas s’arrêter. Qu’ils n’imaginent pas qu’ils pourront remettre le jouet dans sa boîte, fût-ce en armant la police.

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