Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

© College de France

L’historien Patrick Boucheron prononce sa leçon inaugurale au Collège de France

Cédric Enjalbert publié le 18 décembre 2015 4 min
L’historien Patrick Boucheron, élu professeur au Collège de France, a prononcé une leçon inaugurale habitée par la verve, l’engagement et l’émotion, rendant hommage à la pensée critique émancipatrice.

« Lire, c’est s’exercer à la gratitude. » Fort de cette conviction, le médiéviste Patrick Boucheron a prononcé jeudi 17 décembre une lumineuse leçon inaugurale au Collège de France. Il y occupe désormais la chaire d’Histoire des pouvoirs en Europe occidentale (XIIIᵉ-XVIᵉ siècle).

Auteur d’essais sur l’espace public, sur l’Italie médiévale ou sur Léonard de Vinci, l’intellectuel n’a cessé de se pencher sur sa discipline, cherchant à comprendre ce qu’est Faire profession d’historien. De ce titre qui sonne comme un engagement, il a tiré un livre, dont il a poursuivi la réflexion dans des Conversations sur l’histoire, une histoire qu’il souhaite « inquiète ».

 

Le courage d’avoir peur

Car Patrick Boucheron prend la parole en citoyen. Avec un engagement renouvelé pour la chose pour publique, il invite à la vigilance contre les usages politiques de nos passions mauvaises, transformées en arme politique redoutable ou en instrument de répression. Il en témoigne dans Conjurer la peur, montrant combien « avoir peur, c’est se préparer à obéir » et dans L’Exercice de la peur, un dialogue mené avec Corey Robin paru récemment aux Presses universitaires de Lyon.

Avec toute la retenue qu’exige le scrupule à penser trop hâtivement et qu’impose la sidération de la catastrophe, Patrick Boucheron expliquait, dans un entretien qu’il nous accordait peu après les attentats du 13 novembre, comment « si l’on veut conjurer la peur, c’est-à-dire la contenir, la réorienter politiquement pour construire une forme de calme vigilant, il faut commencer par dire : “oui, il y a de quoi avoir peur.” Et c’est ce qu’on va faire : ce n’est pas tout à fait vrai qu’on a envie de passer toutes nos soirées en terrasse, on va se forcer un peu mais surtout on va se surveiller soi-même, faire attention à ne pas laisser monter en nous les passions tristes, prendre soin de ceux qui sont vivants et de ce qui est vivant en nous. Tout cela, c’est de la vigilance, quelque chose comme le courage d’avoir peur. La vie reprend toujours ses droits, mais quand elle reprend, elle peut en avoir moins. Les droits, ça se perd politiquement et c’est difficile à reconquérir. »


Que peut l’histoire

Déjà, dans Prendre dates. Paris, 6 janvier-14 janvier 2015 (Verdier), rédigé avec l’écrivain Mathieu Riboulet, il témoignait du désarroi de l’historien face à l’événement qui surgit. Que peut l’histoire ? « Certains lecteurs de Prendre dates nous ont demandé si, parfois, nous n’avions pas éprouvé une sorte d’excitation à voir passer l’Histoire, raconte-t-il. En tant qu’historien, mais aussi en tant que journaliste, c’est une question que l’on doit sérieusement se poser. Machiavel, soucieux de rendre compte des urgences de son temps, définissait la tâche de l’intellectuel comme ce “courage de la vérité”, pour reprendre Foucault, qui consiste à se déprendre de l’éclat trompeur des mots pour “aller droit à la vérité effective de la chose”. C’est une tâche très périlleuse à mener dans le bruit de l’immédiat. »

Alors, que peut l’histoire ? L’interrogation le hante. Elle aura guidé sa leçon inaugurale au Collège de France. Ravigotant, il cite Michel Foucault, ravivant sa « mise en alerte toujours brûlante qui permet de se prémunir contre la violence du dire, de ne pas se laisser griser par sa puissance injuste », mais aussi Victor Hugo et sa croyance dans la chose publique : « Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps-à-corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête, voilà l’exemple dont les peuples ont besoin et la lumière qui les électrise. »


Les mots de la riposte

Soucieux de participer à la compréhension du fait politique, l’historien, auteur d’un essai sur Léonard et Machiavel (Verdier, 2008), s’inscrit dans les pas des penseurs politiques. Il rend hommage aux enseignements humanistes, ceux de Budé – fondateur du Collège de France–, d’Érasme et de Montaigne, tous contemporains de l’élargissement du monde au XVe siècle. Avec eux, il rappelle à qui veut l’entendre que nous sommes tous toujours l’autre de quelqu’un. Cet effort continu pour réduire l’altérité imprègne d’éthique sa pratique historienne. Convaincu de la nécessité de « réorienter les sciences sociales vers la Cité en abandonnant d’un cœur léger la langue morte dans laquelle elle s’empatte », il croit qu’un « historien ne sachant pas se montrer horripilant pratiquerait une discipline, aimable, savante, plaisante sans doute pour les curieux et les lettrés mais inefficaces en terme d’émancipation critique. »

Le nouveau professeur au Collège de France s’attellera donc à l’invention des « mots de la riposte » autorisant à penser une émancipation critique, contre la « certitude muette de l’Institution ». Il travaillera avec enthousiasme à dissiper les rêves mortifères des réactionnaires et à dévier la tentation de la continuation, entendant se donner tous les moyens de « réconcilier en un nouveau réalisme méthodologique l’érudition et l’imagination. L’érudition car elle est cette forme de prévenance dans le savoir qui permet de faire front à l’entreprise pernicieuse de tout pouvoir injuste consistant à liquider le réel au nom des réalités. L’imagination, car elle est une forme de l’hospitalité et nous permet d’accueillir ce qui dans le sentiment du présent aiguise un appétit d’altérité. » Sur ces promesses revigorantes, il débutera ses cours à partir du 4 janvier 2016, le lundi matin de 11 heures à midi.  

Expresso : les parcours interactifs
Comment commenter un texte philosophique ?
Une fois qu’on a compris la thèse d’un texte de philo, il n’y a plus rien à faire ? Faux ! Apprenez comment commenter un texte de philosophie avec une méthode imparable, étape après étape. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
10 min
Patrick Boucheron : “Notre histoire est plus grande que celle qu’exaltent les apôtres des grandeurs de la France”
Catherine Portevin 25 juin 2020

Le vaste mouvement antiraciste qui se manifeste dans le monde entier après le meurtre de George Floyd marque le retour de la politique, gelée…

Patrick Boucheron : “Notre histoire est plus grande que celle qu’exaltent les apôtres des grandeurs de la France”

Article
3 min
L’intelligence artificielle entre au Collège de France
Cédric Enjalbert 05 février 2016

Le Collège de France ouvre ses portes à l’enseignement de l’intelligence artificielle. Le chercheur Yann LeCun a prononcé sa leçon inaugurale le…

L’intelligence artificielle entre au Collège de France

Article
3 min
Patrick Boucheron: “L’idée de grand récit est en crise”
Catherine Portevin 17 janvier 2013

S’il y a quelqu’un que l’idée de « la fin de l’histoire » interpelle, c’est bien l’historien. Et si, suggère Patrick Boucheron, nous sortions de notre point de vue uniquement occidental ?


Article
10 min
Patrick Declerck : “En formation de sniper, j’étais à l’école de la raison pure”
Alexandre Lacroix 09 mai 2022

Psychanalyste et écrivain, Patrick Declerck s’intéresse aux sujets sensibles, qu’il tente de décrypter à travers des récits immersifs. Vie des SDF…

Patrick Declerck : “En formation de sniper, j’étais à l’école de la raison pure”

Article
11 min
Patrick Boucheron: “C’est le Léonard de Vinci retiré du monde qui me touche le plus”
Victorine de Oliveira 02 juillet 2019

Derrière ce génie de la Renaissance disparu il y a cinq cents ans, Patrick Boucheron voit l’enfant apeuré, fasciné et terrorisé par l’eau,…

Patrick Boucheron: “C’est le Léonard de Vinci retiré du monde qui me touche le plus”

Article
10 min
Le courage d’avoir peur
Catherine Portevin 02 décembre 2015

« Même pas peur ! » Au lendemain des attentats du 13 novembre, la déclaration sonnait comme une façon de conjurer notre effroi face à l’horreur. C…

Le courage d’avoir peur

Entretien
15 min
Alain de Libera : « L’archive est une énergie fossile »
Catherine Portevin 21 mai 2014

Historien de la philosophie médiévale, il n’a cessé de démontrer et d’enseigner que le Moyen Âge, loin d’être obscur et ennuyeux, était la source vive de la pensée. À l’occasion de la parution de sa leçon inaugurale au Collège de France…


Article
7 min
Patrick Artus : “L’inflation résulte d’un conflit pour la répartition des revenus”
Nicolas Gastineau 08 février 2022

L’année 2022 sera-t-elle inflationniste ? C’est du moins ce qu’indiquent les chiffres du mois de janvier, avec 2,9% de hausse sur un an en…

Patrick Artus : “L’inflation résulte d’un conflit pour la répartition des revenus”

À Lire aussi
Force du désordre
Force du désordre
Par Cédric Enjalbert
octobre 2019
Lévi-Strauss et l’anthropologie sociale
Par Frédéric Manzini
août 2023
Qu’est-ce qu’être une femme dans un “métier d’homme” ?
Qu’est-ce qu’être une femme dans un “métier d’homme” ?
Par Pierre Terraz
mai 2021
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. L’historien Patrick Boucheron prononce sa leçon inaugurale au Collège de France
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse