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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Céramique à figures noires représentant une course à pied (431-404 av. J.-C.). © iStockphoto

La grande question

Pourquoi la philo fait du sur-place

Octave Larmagnac-Matheron publié le 16 novembre 2021 4 min

Les philosophes ne sont d’accord sur rien, c’est bien connu. Et c’est ce que confirment les résultats de la grande enquête PhilPapers 2020 menée auprès de 1 800 philosophes (pour l’essentiels occidentaux). Les héritiers de Socrate ne parviennent même pas à s’accorder sur les buts principaux de la philosophie : la connaissance (pour 42%), la compréhension (pour 56%), la sagesse (pour 31%), le bonheur (pour 13%) ou la justice et le bien (pour 23%) ?

Du libre arbitre au fondement de l’identité personnelle en passant par la nature de l’esprit, la possibilité d’une connaissance a priori ou l’objectivité des jugements moraux, les sujets qui divisent les penseurs depuis des siècles, depuis la naissance de la discipline ou presque, demeurent les mêmes, sans trouver de réponses définitives. Et pourtant, comble du paradoxe : s’il est un point où presque tous les sondés s’accordent, c’est pour dire que la philosophie « progresse » au moins un peu. Contre l’opinion de Karl Jaspers et Jeanne Hersch.

 

  • Seuls 4% des sondés répondent par un « non » franc à la question : « La philosophie progresse-t-elle ? » Mais ces 68 contestataires peuvent compter sur le soutien de l’un des plus importants philosophes du XXe siècle : Karl Jaspers (1883-1969), qui écrivait précisément, dans son Introduction à la philosophie (1936), que « la philosophie de progresse pas ». L’étymologie du mot atteste de ce constat historique : « L’essence de la philosophie, c’est la recherche de la vérité et non sa possession, même si elle se trahit elle-même, comme il arrive souvent, jusqu’à dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formules. […] Faire de la philosophie, c’est être en chemin. » Jeanne Hersch (1910-2000), disciple et traductrice de Jaspers, ne dira pas autre chose, dans L’Étonnement philosophique (1942) : « La philosophie est toujours en route, jamais achevée. » Chacune des réponses qu’elle avance creuse le problème qu’elle se pose plutôt qu’elle n’y répond. « Les questions, en philosophie, sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une nouvelle question », dira Jaspers.
  • Cet inachèvement implique de renoncer à l’horizon d’un accord, même provisoire, dont la science fournit le modèle. Comme le note Jaspers, « en philosophie, il n’y a pas d’unanimité établissant un savoir définitif. […] Contrairement aux sciences, la philosophie sous toutes ses formes doit se passer du consensus unanime. » Elle ne peut être enfermée dans « un savoir formulable, dans des énoncés ou des professions de foi ». Là encore, Hersch ne dira pas autre chose : « Si la vérité était là, présente, livrée et dicible, il n’y aurait rien de plus beau que la science. […] Ce que j’aimerais enseigner en philosophie, c’est justement l’impossibilité d’avoir une doctrine. » Ce qui n’exclut absolument pas la tentation du dogmatisme – les innombrables écoles de pensée en attestent. Ce dogmatisme est au plus haut point manifeste dans les pensées systématiques. Et en même temps, comme le note Hersch, les systèmes laissent toujours échapper quelque chose qui les fait vaciller de fond en comble. « Ils ont besoin, pour s’exprimer, de l’échec, de l’inachevé. Ils montrent bien le chemin conduisant au tout, mais aussi qu’on s’y heurte à l’échec. » Le système est une manière paradoxale d’épuiser tout ce qui peut être dit pour effleurer ce qui ne le peut pas et qui fait, justement, l’essence du questionnement philosophique.
  • Qu’est-ce donc cela qui se dérobe sans fin à la philosophie, et qui est l’objet même de celle-ci ? Ce n’est pas un objet, justement, dont nous pourrions faire le tour, que nous pourrions « connaître ». Jaspers parle, allusivement, de « l’être universel dans sa totalité » et de « l’Englobant ». Mais il faut prendre soin de distinguer cet « être universel » de l’univers. De l’univers dans lequel il est inséré, l’homme peut faire une science : il peut le mettre à distance, le représenter, le formaliser comme une chose extérieure à lui – ou plutôt comme une somme, toujours plus vaste, de choses empilées les unes à côté des autres. De l’englobant du « monde », au contraire, nous ne pouvons jamais nous détacher ; nous appartenons irrémédiablement à cette dimension indivisible à laquelle nous nous rapportons sans cesse, à laquelle nous donnons sens au moment même où nous donnons sens à notre existence. Nous y sommes impliqués, sans échappatoire possible. La philosophie consiste de ce point de vue « à saisir la réalité par la manière dont je me comporte envers moi-même quand je pense et par mon activité intérieure ; à ouvrir notre être aux profondeurs de l’Englobant ».
  • La philosophie est donc d’abord une démarche en première personne qui, selon les mots de Hersch, « vous fait naviguer aux limites de la condition humaine ». Elle est « l’accomplissement de la pensée vivante et la réflexion sur cette pensée, ou l’action et le commentaire de l’action », comme l’ajoutera Jaspers. « Seule l’expérience personnelle permet de percevoir ce qu’on peut trouver de philosophie dans le monde. » C’est la raison pour laquelle la philosophie est lézardée de failles. Comme le résume Hersch, « faire de la philosophie, c’est toujours en quelque sorte traduire une doctrine en un exercice de liberté ». L’insondable mystère autour duquel gravite toute la philosophie procède de cette liberté insondable par laquelle nous nous rapportons au monde. « La liberté nous accule à l’Unité. » Point aveugle auquel toute notre existence est référée, elle nous invite à approfondir l’unité de notre vie. Unité irréductible, mais aussi insaisissable, car la liberté, qui en fait le fondement, est en même temps un abîme. La philosophie repense chaque fois la même chose, mais ce Même n’est pas une totalité close. Il reste ouverte au surgissement imprévisible de l’étonnement, que celui-ci provienne du monde ou d’une inflexion de notre façon de nous rapporter à lui.
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