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La petite question

Peut-on ne pas aimer la nature ?

Nicolas Tenaillon publié le 09 septembre 2021 3 min

Alors que la cause écologique fait consensus, la question a de quoi étonner. Elle interroge pourtant un préjugé universel : la nature (qui vient de nasci : naître), source et condition de la vie, serait par définition aimable. Est-ce si évident ?

 

  • Un amour filial pesant. Pour la pensée antique, la nature est une mère nourricière. Un penseur matérialiste comme Lucrèce (v. 98-55 av. J.-C.) estime que, n’étant pas créée par les dieux, la nature est elle-même créatrice d’ordre. Inspiratrice pour notre conduite, elle appelle toute notre gratitude. Toutefois, régler notre comportement affectif sur la nature ne va pas de soi car elle peut aussi être cruelle. N’apporte-t-elle pas la maladie et la mort ? Aussi bien, la prendre pour guide pourrait pervertir l’amour qu’elle exige de nous. Le marquis de Sade tire dans sa Philosophie dans le boudoir (1795) les conséquences logiques de cet amour dévorant inhérent à la nature : aimer la nature, c’est selon lui poursuivre son œuvre destructrice. À cette nature bien peu aimable, on peut alors préférer l’artifice. Comme le dit Baudelaire dans son Éloge du maquillage (in : Le Peintre de la vie moderne, 1863-69) : « Analysez tout ce qui est naturel, […] vous ne trouverez rien que d’affreux ». Si la nature peut avoir quelque chose d’aimable, c’est uniquement comme nature fantasmée, exotique… ou « renaturée », comme le dit justement Clément Rosset dans L’Anti-nature (PUF, 2016). 
  • Un amour fraternel épanouissant. On peut toujours reprocher à la nature d’être décevante ou menaçante, il n’en reste pas moins que chacun, lors d’une promenade ou d’une baignade, a fait l’expérience d’un sentiment de communion avec elle. Rousseau, dans Les Rêveries du promeneur solitaire (1782), rend palpable cette harmonie lorsqu’il évoque son séjour solitaire sur l’île Saint-Pierre. Haïr la nature ou éprouver à son égard de l’indifférence reviendrait à négliger ces moments précieux au profit d’une rancune tenace à l’égard de la maladie vécue ou d’une insensibilité au pittoresque des paysages qui nous entourent. Au dégoût de la nature, il faudrait préférer, à en croire François d’Assise, un amour non pas filial parce qu’il serait idolâtre, mais fraternel. Le premier n’est dû qu’à Dieu, le second à toute la Création. Dans le Cantique des Créatures (XIIe-XIIIe siècle), sont loués « frère Soleil » et « sœur Lune ». Ainsi, tout ce qui arrive naturellement mérite d’être aimé, y compris « notre sœur la mort » ! 
  • Un amour parental responsable. Si, toutefois, l’amour fraternel à l’égard de la nature n’est pas satisfaisant, c’est parce qu’il égalise tout. Pour le matérialiste d’Holbach (1723-1789), les hommes sont de simples rouages de « cet immense atelier » qu’est la Nature dont ils ne peuvent « jamais sortir ». Pur mécanisme aveugle, la nature n’aurait rien d’aimable… Il serait même de notre devoir de ne pas l’aimer afin de pouvoir, par notre propre génie technique, nous affranchir du destin mortifère dans lequel elle nous enferme. On sait pourtant à quels excès nous a menés la société industrielle voulue par les Lumières. La nature requiert donc une attitude affective bien définie qui s’apparente à l’amour dû aux enfants, à la fois protecteur et émancipateur. Comme l’écrivent Catherine et Raphaël Larrère dans Du bon usage de la nature (Flammarion, 2009) : aimer, ce n’est pas « geler une nature sauvage » mais accompagner une nature créatrice.
  • Si nous ne pouvons rester indifférents à la nature, nous restons donc libres d’éprouver vis-à-vis d’elle des affects plus ou moins intenses, dès lors qu’on rejette comme indéfendables deux excès : la sacralisation ou la haine de la nature.
Expresso : les parcours interactifs
Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
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