Penser la migration aujourd’hui, avec Raffaele Simone
Depuis des années, des masses d’humains fuient leur pays au péril de leur vie. Dernier épisode en date : le passage de milliers de personnes dans les enclaves espagnoles du nord de l’Afrique, à la frontière avec le Maroc. Face à cette situation tragique, le philosophe et linguiste italien Raffaele Simone, auteur de La Grande Migration et l’Europe (Gallimard, 2021), lance un appel.
Entre l’exploitation de la peur de l’étranger et l’hypocrisie des dirigeants européens, la classe intellectuelle doit s’emparer du phénomène migratoire avant que les partis d’extrême droite ne morcellent complètement l’espace politique européen. Après avoir parcouru trois points clés de son argumentaire, découvrez notre entretien exclusif avec Raffaele Simone.
La migration, signe distinctif de notre modernité
Pour Raffaele Simone, le XXIe siècle voit se réactiver la gigantesque chaîne des mouvements de masse qui caractérisent les phases primitives du peuplement du globe. « Une enquête Gallup effectuée dans 151 pays en 2008 montre qu’environ un quart de la population mondiale manifeste une propension à émigrer. » Dans certains pays, comme le Congo ou le Nigeria, c’est la moitié de la population qui envisagerait de quitter leur territoire. Mais contrairement au processus primitif de peuplement de la planète, les humains migrent aujourd’hui vers des zones qui sont déjà densément habitées, comme l’Europe.
L’Europe, entre la cécité volontaire et la peur
D’un côté, il y a le destin tragique d’immigrés condamnés à des vies de miséreux. Quand ils ne sont pas enfermés dans des camps – d’Idomeni en Grèce à Vintimille en Italie –, ils sont exploités comme main d’œuvre illégale. Reclus, exploités, mendiants ou délinquants. Au fond, l’immigré appartient à une population marginalisée ou infra-politique dont on ne sait rien. Elle est mal comptabilisée et pas décrite sociologiquement. « Ces personnes intègrent la misère sociale européenne, mais, souvent, ce sont des gens qui sont plus éduqués que la moyenne, ils viennent de famille qui ont parfois une situation. » De l’autre côté, cet inconnu se convertit en peur exploitée par les partis d’extrême droite qui progressent partout sur le Vieux Continent.
La peur, objet politique non identifié
La peur est exploitée sans jamais être analysée. Pourtant, elle pèse sur la vie politique européenne. « On confond le racisme et la xénophobie. Contrairement au racisme, la xénophobie n’est pas une réponse construite. Elle est une réponse instinctive, primaire, qu’il faut comprendre. Les émotions sociales ne sont donc presque pas prises en compte par la théorie politique. Qu’est-ce qui, dans les perceptions d’autrui en général et de l’étranger en particulier, provoque de la polémique et du conflit entre les personnes et les communautés ? C’est un champ d’études qu’il faut ouvrir ! »
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