Le billet de Victorine de Oliveira

Pendant que j’y pense/Février 2021

Victorine de Oliveira publié le 2 min

Pour tourner la page – d’une relation sans lendemain, d’un mauvais livre ou d’une année pourrie –, rien de tel qu’un peu de dérision, histoire de faire passer la pilule entre deux gloussements. Ces derniers temps, je me suis souvent demandé à quoi ressembleraient les Guignols de Canal+ s’ils existaient encore. Quel sort auraient-ils réservé aux affaires Darmanin et Griveaux, aux élucubrations de Trump ou encore au professeur Raoult ? Auraient-ils fabriqué une marionnette à l’effigie du coronavirus, sorte de piñata que nous aurions eu quotidiennement envie de dégommer derrière nos écrans ? Certes, les occasions de rire et de se moquer des puissants sont légion, pour peu que l’on fréquente les réseaux sociaux. Mais aux mèmes tordants se mêlent parfois des attaques ad hominem pas toujours défendables. Les Guignols, eux, avaient la classe de rendre secrètement fiers ceux-là mêmes qu’ils raillaient à longueur de parodie de JT. On ne les attendait pas forcément sur ce terrain, mais les Grecs nous renseignent sur l’importance salvatrice de la dérision. C’est l’objet d’un essai aussi érudit que passionnant signé Jean-Noël Allard, La Cité du rire. Politique et dérision dans l’Athènes classique (Les Belles Lettres, 350 p., 35 €). Pour Platon, qui n’avait rien d’un fervent démocrate, le rire ne peut être que le privilège du sage. Ainsi Socrate peut-il tourner ses interlocuteurs en dérision. Mais gare à qui tentera de lui retourner la politesse. Pour Aristote, partisan au contraire de la démocratie, la dérision fait office de « liant social ». Comme le montre Allard, on s’écharpait déjà pour distinguer la moquerie de l’insulte, l’offense de la raillerie. En ces temps incertains, une chose est sûre : 2021 ne manquera pas d’occasions d’exercer son mauvais esprit.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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