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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Paul Ricœur. © Hannah Assouline/Opale

Paul Ricœur : “Ce que je suis est foncièrement douteux”

Paul Ricœur, propos recueillis par Jean-François Duval publié le 16 janvier 2013 16 min

Il y a cent ans naissait Paul Ricœur. Grande figure de la pensée française du siècle dernier, il a contribué, avec le concept d’identité narrative, à repenser le sujet comme le récit que chacun se raconte à lui-même. En guise d’hommage, nous publions un entretien réalisé en 1997 et inédit en France, où ce pupille de la nation livrait, avec une étonnante sincérité, son propre récit.

 

Paul Ricœur, qui aurait eu 100 ans le 27 février 2013, considérait comme sa principale chance d’avoir eu pour interlocuteurs les plus grandes figures de la philosophie du XXe siècle et de s’être trouvé mêlé à toutes les questions fondamentales soulevées par la phénoménologie, l’existentialisme, la psychanalyse, le structuralisme… C’était un homme qui se savait de multiples « dettes ». Le mot était venu dans sa bouche dès notre première rencontre téléphonique, en 1986, lorsque nous l’avions sollicité pour un entretien centré sur sa passionnante trilogie Temps et Récit. C’était oui, nous avait-il répondu, mais il y avait d’autres « dettes » dont il devait d’abord s’acquitter. Notre seconde rencontre eut lieu en 1997, à Châtenay-Malabry, dans sa grande maison, Les Murs blancs, qui fut celle d’Emmanuel Mounier (1905-1950, philosophe et fondateur de la revue Esprit). Ses préoccupations immédiates étaient de deux ordres. L’affaire des sans-papiers agitait la France, un jeune Africain expulsé, mis à la rue, venait de sortir de chez lui… Par ailleurs, dans les deux grandes pièces lumineuses qui lui servaient de bureau – livres et manuscrits empilés jusque sur les chaises –, il s’attelait, avec un rien d’inquiétude, à la relecture des épreuves de son livre d’entretiens avec Jean-Pierre Changeux, La Nature et la Règle. Ce qui nous fait penser. Il avait répondu positivement à la demande de Changeux et d’Odile Jacob mais tenait à éviter toute confusion : quoiqu’il fût un fervent lecteur d’ouvrages sur les neurosciences, il fallait absolument distinguer le discours de la connaissance scientifique de celui de l’expérience vive. Complètement disponible, chaleureux, émouvant, évidemment brillant, il nous a accordé une bonne part de son après-midi, s’exprimant volontiers et en complète sincérité sur le parcours d’un pupille de la nation devenu maître en herméneutique et l’auteur de Soi-même comme un autre.
 

Paul Ricœur en huit dates

  • 1913 Naissance et mort de sa mère 
  • 1915 Mort de son père sur le front, dans la bataille de la Marne. Ricœur, élevé dans la foi protestante par ses grands-parents, trouve refuge dans les livres 
  • 1935 Reçu second de l’agrégation de philosophie, il fréquente la rédaction de la revue Esprit 
  • 1940/45 Fait prisonnier comme officier de réserve, il traduit les Ideen de Husserl en captivité en Poméranie (Allemagne) 
  • 1956 Élu professeur à la Sorbonne, il s’installe avec sa femme et ses cinq enfants aux Murs blancs, à Châtenay-Malabry, où Emmanuel Mounier avait créé une communauté autour d’Esprit 
  • 1970 Démissionne de son poste de doyen de la Faculté de lettres de l’université de Nanterre suite aux troubles post-68. Devient professeur à Chicago 
  • 1990 Publication de Soi-même comme un autre qui marque sa consécration tardive en France 
  • 2005 Meurt à Châtenay-Malabry

La mort a été présente très tôt dans votre vie. Vous avez perdu votre mère quand vous aviez quelques mois, et votre père a été tué lors de la guerre de 14-18 quand vous aviez 2 ans. Comment évaluez-vous le fait d’être devenu très tôt un pupille de la nation ?

Paul Ricœur : C’est assez curieux parce que c’est à mesure que j’ai grandi et vieilli que c’est devenu une question. Jeune, j’étais plutôt rebelle à l’égard des plaintes plus ou moins feintes que j’entendais : « Ah ! le pauvre orphelin ! » Ça m’agaçait. Au fond, je ne me rappelle pas avoir souffert de l’absence de mes parents. Parce que j’avais un très bon rapport avec mes grands-parents et ma tante, qui m’ont élevé. Et surtout, parce que j’avais une vie privée très tôt intense.

 

Que voulez-vous dire ?

Une vie de lecteur. J’ai plongé dans la littérature très tôt. Et puis j’étais bon à l’école. Je ne ressentais pas de manque. Plus tard, lorsque j’ai atteint et dépassé l’âge de mon père, j’ai eu l’impression d’un rapport bizarre avec cette personne qui était sur les photographies plus jeune que moi. J’ai retrouvé cela en lisant Le Premier Homme de Camus. À propos de son père, il parle de son « père cadet ». J’ai éprouvé la même chose. Peut-être qu’en vieillissant on accorde de plus en plus d’importance à la filiation, en amont et en aval de soi, et qu’on fonctionne moins comme un électron libre, et de plus en plus comme un chaînon dans une suite de générations.

 

Votre vie semble d’emblée placée sous le signe de la culpabilité. Vous l’évoquez très souvent : à propos de votre pacifisme avant la guerre, de la découverte des camps de la mort, et même à l’occasion de l’épisode de Nanterre en 1968, quand vous avez dû gérer la contestation des étudiants. Mais c’est un sentiment qui est d’abord né à l’égard de votre sœur.

Oui. Par rapport à ma sœur. J’ai eu le sentiment d’avoir pris toute la place, de lui avoir pris sa part. C’est un sentiment en grande partie fantasmé de ma part, mais les fantasmes sont vécus… J’avais l’impression d’avoir peut-être plus reçu qu’elle. Je réussissais très bien à l’école, et elle était plus lente, plus terne. C’est d’ailleurs ma femme, qui était alors sa meilleure amie, qui m’a ouvert les yeux sur cette inégalité, cette injustice. Une injustice qui était peut-être celle de mes éducateurs, mes grands-parents et ma tante, mais qui n’en était pas moins partagée, acceptée par moi.

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