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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Pixabay / geralt

2. Se mettre en récit

Comment se raconter sans se la raconter ?

Camille Chamoux, Jean-Claude Quentel, Élisabeth Schneider, Anne-Laurence Coopman, propos recueillis par Martin Legros publié le 30 novembre 2016 12 min

Et si mon identité résidait d’abord dans l’histoire que j’en tire ? À l’heure des réseaux sociaux, des one-man shows et des groupes de parole, cette proposition de Paul Ricœur prend à l’évidence une intense actualité. Enquête.

« J’analyse ce que je suis et ce que j’ai été, et cela fait naître ce que je deviens. En ce sens, mes spectacles font de moi l’auteur de ma vie. En me mettant en scène, je fais naître ce que je suis. » C’est ainsi que Camille Chamoux, comédienne et humoriste, présente son travail. Elle s’est fait remarquer en 2012 par un spectacle intitulé Née sous Giscard, dans lequel elle proposait une « balade spatio-temporelle » dans la vie d’une jeune fille née dans les années 1970. Ou comment raconter son histoire pour sortir du marasme une génération « molle », la génération de la crise perpétuelle, celle qui a le sentiment d’être arrivée « trop tard ». Sur une scène transformée en chambre d’adolescente puis de jeune femme, le personnage convoque avec beaucoup d’auto­dérision les événements, petits et grands, qui l’ont marqué, mais aussi ses craintes et ses aspirations. Camille écoute les 33 tours de Charles Aznavour et de Serge Lama, fredonne du Anne Sylvestre, découvre l’humour… avec Michel Leeb, la philosophie… avec BHL. Et se dispute avec ses parents qui votent pour Alain Madelin et lui font comprendre que, avec l’âge, on vire nécessairement à droite. Il s’agit de faire exister « les traits repérables » d’une génération qui se croit privée d’événements fondateurs. « Je n’invente quasiment rien. Je pars de situations vécues, les plus précises possibles, comme le trajet du bus que je prenais, les prénoms de mes camarades d’école, etc. Ce n’est pas par égocentrisme, mais parce que mon personnage n’est que le témoin de sa génération. »

« Il y a un écart constant entre ce qu’on pense et ce qu’on vit. Le récit sert à rendre cela cohérent »

Camille Chamoux

Lorsqu’on lui parle du concept d’« identité narrative » forgé par le philosophe Paul Ricœur (1913-2015), Camille Chamoux se montre tout de suite intéressée. Ricœur avançait cette idée pour surmonter la critique que des philosophes comme Nietzsche avaient opérée de l’identité personnelle. Selon Nietzsche, l’idée d’un sujet identique à lui-même est une illusion métaphysique qui ne résiste pas à l’épreuve du changement. Pour Ricœur, cette critique légitime disparaît dès lors que l’on conçoit le sujet non plus comme quelque chose de substantiel et de permanent, mais comme une identité narrative, fondée sur l’histoire qu’il se raconte à lui-même, une histoire sans cesse reconfigurée par tous les événements qu’il traverse. « Un sujet se reconnaît à l’histoire qu’il se raconte à lui-même sur lui-même, écrit Ricœur. Il est le lecteur et le scripteur de sa propre vie. » Qu’en pense Camille Chamoux ? N’est-ce pas là le dispositif qu’elle met en place avec son personnage générationnel ? « Se raconter, pour moi, c’est se réapproprier. Nos vies sont pleines de contradictions. Il y a un écart constant entre ce que l’on pense et ce que l’on vit. Le récit sert à rendre cela cohérent. En prenant position sur tous ces traits repérables d’une génération, on se réapproprie une identité qui devient notre voix propre. On s’individualise. » Le personnage qu’elle a forgé ne lui sert pas seulement à se réconcilier avec son temps, mais aussi à prendre ses distances. « Comme un miroir qui permet de mesurer les déterminations qui ont fait ce que je suis. Les mouvements qui sont dans le spectacle devancent parfois ceux de ma vie. Dans Née sous Giscard, je me moquais avec une certaine insistance de la maternité en observant les mères autour de moi. Or, je suis tombée enceinte pendant le spectacle et je me suis retrouvée la victime de la critique acerbe que je menais. »

 

En attente de la suite

Ricœur le disait déjà : se raconter, ce n’est pas seulement se rassembler, c’est aussi s’éprouver comme un acteur en attente de la suite. Camille Chamoux en a fait l’expérience concrète : « Je dénonçais le hiatus de ma génération entre le discours et l’action. On adorerait aider les migrants mais on a un appartement que l’on doit louer, et on n’accueille personne au final. Cela m’était devenu tellement insupportable de jouer ce personnage clivé que, depuis, je suis passée à l’action. Aujourd’hui, je me suis rapprochée d’une association, je distribue le petit-déjeuner aux migrants quai de Seine, à Paris. Il m’a fallu trente-huit ans et un spectacle pour passer à l’action. » Morale de l’histoire : « Se raconter permet d’agir sur soi. En mettant en scène les contradictions qui m’habitaient, j’ai pu les dépasser par le récit. »

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Article issu du magazine n°105 décembre 2016 Lire en ligne
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