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© Éditions du Seuil

Le livre du jour

“Où allons-nous ?”, de Georges Bernanos

Octave Larmagnac-Matheron publié le 19 avril 2021 4 min

Bernanos était « mû par le souci de l’honneur et de la seule vérité, comme l’Anglais George Orwell et le Français Albert Camus à la même époque », écrit Sébastien Lapaque dans son introduction à cet opuscule de l’écrivain, essayiste et journaliste français Georges Bernanos (1888-1948). Comparaison élogieuse s’il en est, qui n’est pas imméritée : Où allons-nous ? (réédité aux Éditions du Seuil, 2021) est une ode sans concession à la liberté, publié clandestinement en 1943 dans une France sous occupation nazie. Tragique par sa dénonciation d’un monde dont l’implosion nourrit la barbarie totalitaire, lyrique lorsqu’il évoque l’espoir d’une victoire de la dignité sur l’inhumain, ce texte aussi court que singulier vaut le détour. Et il n’a rien perdu de sa pertinence…

 

  • Conservatisme. S’il a pu réfuter le mot – car « qui dit conservateur dit surtout conservateur de soi-même » –, Bernanos fut, en un certain sens, un conservateur. Un royaliste, même, attaché à la vieille France. Un fervent catholique, par ailleurs. Pourtant, il n’applaudira aucunement la révolution conservatrice de Pétain, dont la prise de pouvoir ne lui paraît ni légale ni légitime. Il n’acclamera pas plus le totalitarisme sous toutes ses formes, qu’il s’agisse du fascisme italien, du communisme soviétique ou du nazisme, dont Bernanos condamne la « hideuse propagande antisémite. » C’est au Reich que l’écrivain, exilé depuis 1938 au Brésil, s’en prend particulièrement dans Où allons-nous ?, une compilation de textes imprimés et diffusés clandestinement dans l’Hexagone par les Cahiers du Témoignage chrétien à l’été 1943.
  • Vérité. L’originalité du texte « de combat » de Bernanos, c’est de replacer l’horreur du totalitarisme dans une perspective beaucoup plus large – d’y percevoir les soubresauts atroces d’un monde en décomposition. « Où allons-nous ? […] Nous ne retrouverons pas ce que nous avons perdu, ou que nous le retrouverons sous une autre forme, sous une forme méconnaissable, que nous assistons à la fin d’un monde, sans rien savoir au juste de celui qui le remplacera, s’il doit du moins être remplacé ! » Ce basculement, l’écrivain le pressentait en quelque sorte depuis des années, sans que sa vérité – le « scandale de la vérité » – parvienne à se frayer une voie à travers le « conformisme » de l’époque. Ce fut, en partie, la raison de son exil : « J’ai acheté deux cents vaches, et gagné, du même coup, le droit de ne plus me dire “homme de lettres” mais vacher, ce qui me paraît bien préférable. »
  • Déliquescence. Le monde en déliquescence que décrit Bernanos et dont ont surgi les monstres du XXe siècle, est un monde sans repère, duquel la spiritualité a été exilée. Elle ressurgit, pourtant, sous les formes les plus abominables : « Des millions d’hommes croient trouver dans le totalitarisme une foi, une religion, avec sa mystique, sa morale et ses dogmes. Dans le parti organisé, une Église. Dans le dictateur omniscient et omnipotent, un pape ou même un Dieu. » Les origines de ce bouleversement sont multiples mais indissociables : hégémonie de l’argent, automatisation des rapports humains, technicisation de la vie, bureaucratisation du pouvoir, etc. Les conséquences, qu’elles prennent la forme du totalitarisme ou une autre, sont les mêmes : l’abolition de la liberté.
  • Liberté. Le tableau dépeint par Bernanos est aussi noir que lyrique : « Nous commençons à comprendre que l’anéantissement universel, non seulement des libertés, mais de l’Esprit de Liberté, serait un désordre pire que tous les autres, ou plutôt serait le désordre absolu sous les apparences de l’Ordre, car cet ordre serait, au sens exact du mot, inhumain. […] L’ordre sera maintenu, mais ce sera l’ordre des cimetières. Il sera maintenu au nom d’une société dont il ne restera que les cadres administratifs et policiers – un squelette. La société humaine, au sens propre du mot, n’existera plus. Seulement, il ne restera personne pour le dire, parce que la technique aura eu depuis longtemps raison de la dignité et de la liberté des hommes. »
  • Héroïsme. Bernanos, pourtant, n’est pas sans espoir. Il ne croit pas que le monde serait condamné : « Il dépend de chacun de nous que ce ne soit pas vers le chaos de l’anarchie, vers le Moloch inhumain de la discipline grégaire dans un État omnipotent ou vers une nouvelle carence d’héroïsme, de fierté et d’honneur. » Tout le problème, à ses yeux, tient à cela : retrouver le sens perdu de l’héroïsme. « J’appelle […] héros quiconque […] a préféré une fois – je ne dis pas une fois pour toutes, je dis une fois seulement – l’honneur à la vie [et] la vérité avec ses risques et ses meurtrissures libératrices au mensonge de tous les conformismes. » Seuls les héros ont « droit de parler au nom de mon pays », écrit encore Bernanos. Une nation sans héros n’en est plus vraiment une. Nombreux sont ceux qui, sans l’avoir lu, incarneront cet appel confidentiel en s’engageant dans la Résistance.

 

Où allons-nous ?, de Georges Bernanos, vient de paraître dans une nouvelle édition enrichie d’une préface de Sébastien Lapaque. 128 p., 12€, disponible sur le site des Éditions du Seuil.

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