Nicolas Duvoux : “Entre l’‘assistance’ et le salariat, les frontières sont de plus en plus poreuses”
Pour Nicolas Duvoux, auteur de l’essai Le Nouvel Âge de la solidarité (Seuil, 2012), l’État social n’est plus protecteur mais cherche davantage à récompenser les travailleurs pauvres en liant les minima sociaux à l’exercice d’une quelconque activité professionnelle. Entretien.
À droite comme à gauche, une part croissante de la classe politique se plaît à professer un certain mépris des allocations sociales. Qu’est-ce que cela signifie ?
Nicolas Duvoux : Ils méprisent plus particulièrement l’« assistanat », qui est une construction sémantique, idéologique et politique selon laquelle toucher des aides sociales engendrerait une corrosion de la volonté de s’en sortir par ses propres moyens. Ce discours désigne surtout les prestations de solidarité, comme le revenu de solidarité active [RSA], accusées de consolider un bloc stable et homogène de population inactive et dépendante, vivant aux crochets de ceux qui travaillent et paient leurs impôts.
“Il faut se méfier du terme de ‘bénéficiaires’ qui sous-entend que ces derniers profitent de faveurs accordées, alors que ce sont des droits”
Dans quelle mesure ce discours de l’assistanat ne cadre-t-il pas avec la réalité sociale ?
Tout d’abord, les « bénéficiaires » – il faudrait d’ailleurs se méfier de ce terme qui sous-entend que ces derniers profitent de faveurs accordées, alors que ce sont des droits – des aides sociales ne constituent pas une strate distincte et stable de la population. Par exemple, un quart des bénéficiaires du RSA sortent du dispositif chaque année. Ensuite, ceux qui touchent ces aides ne forment pas du tout une population homogène. Pour certains, ces prestations sont un ultime recours contre la misère. Pour d’autres, elles sont une aide ponctuelle qui permet de se reconvertir professionnellement. De fait, beaucoup d’allocataires du RSA circulent constamment entre l’assistance et le travail salarié.
Nous comprenons finalement très mal l’évolution des espaces sociaux.
Quand nous mesurons une réalité sociale, nous pouvons prendre une photographie, utiliser ce que nous appelons des « données de coupe ». Nous mesurons qu’il y a tant de millions de personnes qui vivent de telle prestation sociale à un moment donné. Comme ces chiffres évoluent peu en période « normale » (hors crise économique ou forte croissance), cela peut donner l’illusion qu’il s’agit d’une partie très déterminée et homogène de la population. Mais quand nous regardons le film, quand nous avons recours à des analyses longitudinales, des catégories très différentes d’individus apparaissent, et surtout, nous nous rendons compte que les espaces sociaux ne sont pas figés mais dynamiques.
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