Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Pierre-Henri Tavoillot en 2020. © Alexis Christiaen/La Voix du Nord/Maxppp

Série : êtes-vous de gauche ou de droite ?

Pierre-Henri Tavoillot : “Être de Gauche, c’est aimer la Gauche plus que la France ; être de droite, c’est aimer la France plus que la droite”

Martin Legros publié le 06 mai 2021 5 min

Le clivage gauche-droite est-il encore pertinent pour s’orienter dans la politique contemporaine ? Alors que les sondages font état d’un basculement électoral de l’opinion vers la droite et d’une fragmentation de la gauche, dans le champ idéologique, l’état des lieux est opaque : les uns considèrent que l’extrême droite a gagné la bataille des idées en ayant réussi à mettre les questions autour de l’islam, de la laïcité et de la sécurité au centre du débat, les autres considèrent que la gauche radicale polarise le débat autour des questions du racisme, de la cancel culture, du genre et de l’identité. Chaque camp accusant l’autre de « faire le jeu » de l’extrême droite. Pour y voir plus clair, nous avons demandé à une dizaine de jeunes philosophes issus de toutes les couleurs du champ politique, de répondre à trois questions : êtes-vous de gauche ou de droite ? Comment définissez-vous ce partage ? Va-t-il disparaître ou être réinventé ?

Aujourd’hui, la réponse de Pierre-Henri Tavoillot, professeur de philosophie à la Sorbonne, essayiste et auteur de Comment gouverner un peuple-roi ? Traité nouveau d’art politique (Odile Jacob, 2019) et La Morale de cette histoire. Guide éthique pour temps incertains (Michel Lafon, 2020). Qui se déclare « clairement de droite », au nom de la laïcité, du travail et de la nation. 

 

Vous considérez-vous comme de gauche ou de droite (ou refusez vous d’entrer dans cette division, et si oui, pourquoi) ?

Pierre-Henri Tavoillot : Je me situe clairement à droite, puisque la gauche a peu à peu abandonné les valeurs qui étaient les siennes et sont restées les miennes. Lesquelles ? La laïcité (quittée par la gauche en 1989 lors de l’affaire du voile de Creil), le travail (délaissé avec la loi sur les « 35 heures »), la nation (idée révolutionnaire en 1789, qui est devenue pour l’œil gauche une idée « rance » et « nauséabonde »), le progrès (honni par l’écologie radicale et la pensée décroissantiste) et même le peuple (désormais identifié au populisme haï et méprisé). J’y ajouterais le respect d’un espace public éclairé et pluraliste, loin des procès en diabolisation menés par une nouvelle forme d’inquisition. Mais je serais là plus prudent, parce qu’il est toujours tentant d’accuser d’inquisition ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. C’est une règle : dans l’espace public on se trouve toujours « minoritaire » et « opprimé » : et c’est d’ailleurs ainsi qu’on se sent… exister.

 

Qu’est-ce qu’être de gauche ? Qu’est-ce qu’être de droite, selon vous, aujourd’hui ?

Être de Gauche, c’est aimer la Gauche plus que la France ; être de droite, c’est aimer la France plus que la droite. Voilà, c’est dit, mais après le plaisir de la formule, il faut l’effort de la nuance, car il y a plusieurs droites et plusieurs gauches. Classiquement, j’en distinguerais trois différentes, voire hostiles, dans chaque camp. À droite (en suivant René Rémond), il y a la droite catholique contre-révolutionnaire réactionnaire, la droite bonapartiste et la droite libérale. À gauche (en suivant Jacques Julliard), on a la social-démocratie réformiste, le communisme révolutionnaire et l’extrême gauche à tendance anarchiste, qui nourrit notamment l’esprit du syndicalisme français (la Charte d’Amiens). Bon, pour ce dernier courant, c’est trop vite dit, car l’extrême gauche est en vérité très plurielle, et son influence sur les esprits est proportionnellement inverse de sa capacité à gouverner (on tolère de l’extrême gauche ce qui semblerait insupportable venant de l’extrême droite !)… Mais dans cette cartographie esquissée, je me situe d’abord comme un libéral, parce que la liberté est la clé de toute vie commune ; je suis ensuite républicain, car je pense que l’État est moins une menace qu’une garantie à l’égard des libertés individuelles et collectives ; je suis enfin social, car c’est sur l’attention aux personnes les plus défavorisées et fragiles que se joue la cohésion et la grandeur d’une société. Le gaullisme me va bien, ainsi que la devise française dans l’ordre : liberté, égalité et fraternité. Et si je garde fraternité, c’est que, dans ce mot, il y a en creux, celui de fratricide, qui, davantage que ses remplaçants putatifs (« adelphité » ou sororité), révèle l’ampleur du défi politique, à savoir : comment vivre ensemble sans s’entretuer ?

“Le clivage gauche/droite ne disparaîtra pas, car il est plus identitaire qu’idéologique”
Pierre-Henri Tavoillot

 

Y a-t-il ou devrait-il y avoir une redéfinition idéologique, et sur quelle base, de cette division ? Ou est-elle vouée à disparaître au profit d’autres clivages autour de l’écologie, de l’identité, de l’Europe, etc. ? 

Le clivage gauche/droite ne disparaîtra pas, car il est plus identitaire qu’idéologique. On le voit d’ailleurs à propos de l’écologie. La préoccupation environnementale nouvelle s’intègre dans une matrice déjà constituée : à gauche, c’est la critique du capitalisme qui a rendu vert les rouges ; à droite, à côté d’une critique réactionnaire du monde moderne (« La terre, elle, ne ment pas »), il y a le courant « écomoderniste », qui s’inscrit dans une perspective réformiste et libérale. Pour elle, c’est grâce à la technologie et à la croissance économique que les défis environnementaux seront relevés. Pas de disparition, donc, mais une superposition avec un autre clivage émergent qui concerne l’idée démocratique elle-même. Dans démocratie, il y a demos et kratos, soit : peuple et pouvoir. Leur compatibilité ne va pas de soi, car toute l’histoire montre que là où il y a peuple, le pouvoir s’efface ; et dès qu’il y a pouvoir, c’est le peuple qui se tait. Nos régimes libéraux se sont construits sur une double limitation. Surtout pas trop de demos, pour éviter d’« offrir au peuple en masse l’holocauste du peuple en détail » (Benjamin Constant) ; et surtout pas trop de kratos, afin que, « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (Montesquieu). Le libéralisme est la recherche permanente de cet équilibre instable. 

Le libéralisme s’expose ainsi à trois formes de mauvaise conscience. Celle des « démocrates radicaux », qui voudraient plus de peuple et moins de pouvoir : on retrouve là le culte actuel de la participation, avec en ligne de mire un régime de type anarchiste. De l’autre côté, on trouve les « démocrates illibéraux », qui voudraient plus de pouvoir et moins de peuple : c’est là que se niche le retour en vogue de l’autorité, avec en perspective un régime despotique. Et l’on peut ajouter le populiste qui, contrairement à ce qu’on entend trop souvent, n’a rien à voir avec le fasciste. Le populiste est moins antidémocratique qu’hyperdémocratique : il veut toujours plus de peuple et encore plus de pouvoir.

Les démocraties libérales doivent se garder de ces trois dérives délétères, qui sont aussi des défis. On ne retrouvera le peuple qu’en retrouvant l’efficacité de l’action – l’illibéralisme et le populisme ont raison sur ce point –, mais cela ne saurait se faire au détriment des libertés essentielles. Je souligne ce qualificatif, car il est devenu aujourd’hui très confus. Car quand tout devient liberté, la liberté commence à être sérieusement menacée.

Expresso : les parcours interactifs
Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
9 min
Philippe Corcuff : “Si la gauche s’enferme dans le national, elle perd une partie d’elle-même”
Catherine Portevin 18 mars 2021

Bricolages d’idées, contradictions, ambiguïtés : pour Corcuff, avec l’effacement actuel du clivage droite/gauche, c’est la grande…

Philippe Corcuff : “Si la gauche s’enferme dans le national, elle perd une partie d’elle-même”

Dialogue
17 min
Jérôme Fourquet face à Thomas Piketty et Julia Cagé : dis-moi d’où tu votes, je te dirai qui tu es
Martin Legros 30 novembre 2023

Alors que le clivage gauche-droite semble avoir laissé la place à une opposition entre le centre et les extrêmes, les causes de ce bouleversement…

Jérôme Fourquet face à Thomas Piketty et Julia Cagé : dis-moi d’où tu votes, je te dirai qui tu es

Article
9 min
Raphaël Enthoven : “L’absence de toute opposition construite nous expose à l’alternative entre le conservatisme et le chaos”
Martin Legros 11 avril 2022

Loin d’être une anomalie, le match retour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron pour le second tour de l’élection présidentielle consacre la fin…

Raphaël Enthoven : “L’absence de toute opposition construite nous expose à l’alternative entre le conservatisme et le chaos”

Article
3 min
Olivier Rey : “Puisque je parle autant à la droite qu’à la gauche, on me catalogue de droite”
Martin Legros 10 mai 2021

Constatant qu’il a été catalogué à droite, Olivier Rey, auteur notamment de L’Idolâtrie de la vie (Gallimard, 2020), affirme que le…

Olivier Rey : “Puisque je parle autant à la droite qu’à la gauche, on me catalogue de droite”

Article
5 min
Ida Dominijanni : “Giorgia Meloni, figure de l’extrême droite italienne, propose un ‘fratriarcat’”
Alexandre Lacroix 14 septembre 2022

Qui est Giorgia Meloni, figure montante de l’extrême droite en Italie, qui devrait sortir renforcée des élections du 25 septembre prochain, voire…

Ida Dominijanni : “Giorgia Meloni, figure de l’extrême droite italienne, propose un ‘fratriarcat’”

Article
8 min
Un clivage en crise ?
Martin Legros 26 septembre 2012

À écouter les discours de campagne, les valeurs de gauche et de droite semblent se confondre. Mais un retour sur les fondements de l’opposition gauche-droite montre qu’elle demeure un repère dans l’espace politique.


Article
6 min
La double histoire du localisme
Octave Larmagnac-Matheron 18 décembre 2020

Alors qu’un jeune transfuge de la France insoumise passé au Rassemblement national, Andréa Kotarac, vient de fonder avec Hervé Juvin le Parti…

La double histoire du localisme

Article
2 min
Jean-Louis Bourlanges : « Le clivage gauche-droite a pris le dessus sur celui des pro- et des anti-Européens »
Suzi Vieira 26 septembre 2012

Efficace, éloquent, le couple gauche-droite s’est imposé sur tous les continents. Quatre personnalités déclinent ses particularités en Amérique, au Parlement européen et en politique internationale.


À Lire aussi
Jean-Luc Mélenchon-Michaël Fœssel. La gauche est-elle un parti de plaisir ?
Jean-Luc Mélenchon-Michaël Fœssel. La gauche est-elle un parti de plaisir ?
Par Michel Eltchaninoff, Marius Chambrun,
février 2022
Droite-gauche  : un nouveau partage du pouvoir ?
Par Jean Picq
septembre 2012
La société
Par Nicolas Tenaillon
août 2012
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Pierre-Henri Tavoillot : “Être de Gauche, c’est aimer la Gauche plus que la France ; être de droite, c’est aimer la France plus que la droite”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse