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Ranajit Guha. © DR - Via https://www.anandabazar.com

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Mort de Ranajit Guha, père des “Subaltern Studies”

Octave Larmagnac-Matheron publié le 02 mai 2023 3 min

Il aurait eu cent ans le 23 mai prochain. L’historien indien Ranajit Guha, initiateur des études de la subalternité (en anglais, Subaltern Studies), est décédé le 28 avril. Retour sur son œuvre qui a fondé une nouvelle manière d’écrire l’histoire.


 

  • Né en Inde en 1923, issu d’une famille aisée, Ranajit Guha s’engage très tôt auprès du parti communiste, participant à la lutte contre le régime colonial anglais qui prendra fin en 1947. La même année, le jeune homme s’embarque pour l’Europe. Il séjourne à Paris où il se familiarise avec l’anthropologie, la linguistique, le structuralisme ou encore la sémiotique. En 1959, il s’installe au Royaume-Uni : il commence à enseigner l’histoire à l’université du Sussex. C’est au sein de cette même université que se constitue progressivement autour de lui, à partir des années 1970, le groupe des Subaltern Studies.
  • Le concept de « subalterne » est emprunté à Gramsci. Il est mobilisé par Guha pour s’opposer à la manière d’écrire l’histoire (en l’occurrence de l’Inde) développée par la Cambridge School of South Asian History, menée notamment par Anil Seal : un récit centré sur les institutions politiques, sur les rivalités entre élites (locales et européennes), sur les logiques de gouvernement. « Une telle définition ne peut faire autrement que d’identifier la politique avec l’agrégation des activités et des idées de ceux qui ont été directement impliqués dans le fonctionnement de ces institutions », critique Guha dans un article pionnier de 1982, « On Some Aspects of the Historiography of Colonial India » (« Sur certains aspects de l’historiographie de l’Inde coloniale »).
  • L’historien en appelle au contraire, contre cette politique des élites, à une historiographie par le bas, centrée sur une « politique du peuple » : « Pendant toute la période coloniale, il a existé un autre domaine de la politique indienne dans lequel les principaux acteurs n’étaient pas les groupes dominants de la société indigène ou les autorités coloniales, mais les classes et les groupes […] constituant la masse de la population laborieuse et les couches intermédiaires dans les villes et les campagnes, c’est-à-dire le peuple. Il s’agissait d’un domaine autonome, car il n’était pas issu de la politique des élites et son existence ne dépendait pas d’elles », quoiqu’il interagissait évidemment avec la politique des élites sous de multiples formes (opposition, négociation, soumission, etc.).
  • Cet autre groupe d’acteurs politiques, ce sont les subalternes. « Les groupes et éléments sociaux inclus dans cette catégorie représentent la différence démographique entre la population indienne totale et tous ceux que nous avons décrits comme l’“élite”. » La définition est relationnelle et dynamique : « La subordination ne peut être comprise que comme l’un des termes constitutifs d’une relation binaire dont l’autre est la domination. » Les subalternes sont « toujours soumis à l’activité des groupes dominants, même lorsqu’ils se rebellent et se soulèvent ». Et les groupes dominants, les élites, sont définis par leur position de domination.
  • Cette définition relationnelle n’exclut pas, bien entendu, des formes de porosité ou d’ambiguïté. « Certaines de ces classes et certains de ces groupes [subalternes] tels que la petite noblesse rurale, les propriétaires terriens appauvris, les paysans riches […], qui se classent “naturellement” parmi le “peuple” et les “subalternes”, pouvaient, dans certaines circonstances, agir pour l’“élite” […], et donc être classés comme tels, dans certaines situations locales ou régionales. »
  • L’objectif de Guha n’est en aucun cas une réification des identités : il s’agit avant tout de raconter l’histoire depuis un autre point de vue, celui de ceux auxquels les récits traditionnels ne donnent pas la parole et qui pourtant agissent, ceux que l’histoire oublie et qui pourtant font l’histoire. En 1983, l’historien publie Elementary Aspects of Peasant Insurgency in Colonial India (« Les caractéristiques élémentaires des révoltes paysannes en Inde coloniale »), un classique des études subalternes où il met en pratique son approche. Ses travaux marquent toute une génération d’élèves – Partha Chatterjee, Gayatri Spivak, Dipesh Chakrabarty –, qui poursuit aujourd’hui la voie ouverte par Guha.
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Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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