Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Kwasi Wiredu. ©DR

Hommage

Mort de Kwasi Wiredu, père de la “décolonisation conceptuelle”

Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 janvier 2022 3 min

C’est « l’un des plus grand philosophes », selon le mot de son confrère et compatriote Kwame Anthony Appiah, qui s’est éteint ce week-end. 

Kwasi Wiredu, né le 3 octobre 1931, s’est éteint à l’âge de 90 ans. Le penseur ghanéen laisse dernière lui une œuvre forte d’ouvrages emblématiques, mais inédits en français, comme Philosophy and an African Culture 1980) ou Toward Decolonizing African Philosophy and Religion (1998), où dialoguent philosophie occidentale et traditions africaines. Hommage.

 

Né dans ce qui est alors la colonie britannique de la Côte d’Or, issu d’une famille de la classe moyenne inférieure, Wiredu commence découvre la philosophie à l’Adisadel College de Cabo Corso, au Ghana. Il s’intéresse à Platon et à Bertrand Russell, et poursuit sa formation à l’University of Ghana, avant de s’embarquer pour l’Angleterre où il obtient son doctorat en 1960, pour une thèse portant sur « la connaissance, la vérité et la raison ». Hume, Kant, Dewey, Marx : ses goûts philosophiques se diversifient. Mais en dépit de la diversité des auteurs qu’elle aborde, la pensée de Wiredu reste marquée par un certain pragmatisme, qui accorde une grande importance à l’analyse des langages dans lesquels les savoirs s’expriment et prennent forme.

Après son détour par l’Europe, Wiredu rentre rapidement au Ghana, où il devient professeur. Enracinée dans ce dialogue des cultures, son œuvre s’efforcera de méditer la possibilité d’une « décolonisation conceptuelle » de la pensée. Wiredu n’est pas partisan d’un afrocentrisme qui remplacerait la philosophie occidentale par une philosophie toute autre, africaine de part en part. Comme le résume le philosophe Sanya Osha, Wiredu ne « romantise pas la supposée beauté des anciennes cultures et traditions africaines » – qu’il n’hésite pas d’ailleurs à critiquer. Il cherche plutôt une « synthèse entre l’euromodernité et la culture africaine traditionnelle ». C’est au cœur même de la philosophie que doivent se faire entendre les voix africaines muselées pendant des décennies de colonisation. La philosophie doit être travaillée de l’intérieur, afin de s’enrichir.

Cet enrichissement est possible précisément dans la mesure où la vérité est, pour Wiredu, indissociable des langages qui l’expriment. Le meilleur exemple de ce travail philosophico-linguistique est certainement la réflexion qu’opère Wiredu sur la notion de « personne ». La tradition occidentale conçoit la personne comme une entité substantielle, support du libre arbitre, de la volonté et de la responsabilité. Toute autre est l’onipa du peuple akan, sur lequel Wiredu a beaucoup travaillé, dans Cultural Universals and Particulars: An African Perspective (1996) en particulier : la personne n’est pas un support métaphysique auquel se rattachent, dans un second temps, des actions morales ou immorales, rationnelles ou délirantes, mais tient toute entière dans « la capacité de l’individu à agir comme un être humain normal le devrait » – relativement à la manière dont une société se représente cette normalité. 

La personne n’est donc pas définie a priori, elle est aractérisée de manière pragmatique et normative, indépendamment des questions d’âme ou d’esprit : elle coïncide avec la capacité, effective, d’être « responsable », c’est-à-dire d’être « réceptif à la fois à la persuasion rationnelle et à la correction morale ». D’être partie prenante, en somme, aux régimes de signification collectifs. L’individu n’est pas une personne, il le devient dans la pratique d’une responsabilité qui le lie, d’emblée, à l’ensemble de la société. La conception akan de la personnalité, qui ne distingue pas les actes et le sujet qui les effectue, repose ainsi à nouveau frais des questions traditionnelles de la philosophie occidentale comme celle du libre-arbitre, dont le langage akan parvient à faire une surprenante économie. Un exemple, parmi tant d’autres, de la démarche singulière de Wiredu. 

Expresso : les parcours interactifs
Aimer sa moitié avec le Banquet
On dit parfois que la personne aimée est « notre moitié », celui ou celle qui nous complète. L'expression pourrait trouver son origine dans le mythe des androgynes, raconté dans le Banquet de Platon ! Découvrez ce récit fascinant.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
18 min
Kwame Anthony Appiah : “L’antiracisme, ce n’est pas faire comme si les races n’existaient pas”
Agnès Botz 24 juin 2020

Alors que la vague d’indignation provoquée par la mort de George Floyd aux États-Unis crée un débat sans précédent sur la persistance du racisme,…

Kwame Anthony Appiah : “L’antiracisme, ce n’est pas faire comme si les races n’existaient pas”

Entretien
13 min
Kwame Anthony Appiah : “Pourquoi en appeler à l’honneur”
Sven Ortoli 26 avril 2011

Philosophe enseignant à l’université de Princeton, Kwame Anthony Appiah livre un regard unique sur le monde, libéré de tout préjugé. Après avoir…

Kwame Anthony Appiah : “Pourquoi en appeler à l’honneur”

Article
4 min
Honneur contre honneur : une question de définition
Michel Eltchaninoff 27 avril 2021

Tandis que la tribune de militaires publiée le 21 avril 2021 dans Valeurs actuelles, qui suggère la possibilité d’un putsch pour lutter…

Honneur contre honneur : une question de définition

Article
3 min
Les identités, ces “mensonges qui unissent”
Samuel Lacroix 11 octobre 2021

Le professeur à Princeton Kwame Anthony Appiah publie Repenser l’identité. Ces mensonges qui unissent (trad. N. Richard, Grasset, 2021), un…

Les identités, ces “mensonges qui unissent”

Le fil
1 min
Les “révolutions morales” d’aujourd’hui vues par Anthony Appiah
19 août 2022

Philosophe enseignant à Princeton (États-Unis), Kwame Anthony Appiah livre un regard unique sur le monde, libéré de tout préjugé. Identité, honneur, dignité……

Kwame Anthony Appiah : “Pourquoi en appeler à l’honneur”

Article
7 min
Felwine Sarr, Heinz Wismann. Le pluriel et l’universel
Martin Legros 20 avril 2019

Pour Felwine Sarr, penseur sénégalais de la décolonisation, l’Europe se distingue par son ambition de dominer le monde par la raison. Alors que pour le philosophe franco-allemand Heinz Wismann, elle se caractérise par la capacité de s…


Article
2 min
“The Father”. Père perdu
Cédric Enjalbert 25 mars 2021

Dans le film de Florian Zeller The Father, Anthony Hopkins incarne un père octogénaire atteint d'une maladie neurodégénérative qui le fait…

“The Father”. Père perdu

Article
2 min
Amiens/Afrique de l’Ouest. Nouer l’aiguillette
Tobie Nathan 25 septembre 2014

De la France médiévale à l’Afrique d’aujourd’hui, on attribue toujours cette atteinte à la virilité à un tiers…


À Lire aussi
Afrique, berceau des droits de l’homme ?
Afrique, berceau des droits de l’homme ?
Par Cédric Enjalbert
juillet 2012
Les discours péremptoires
Par Stéphane Muras
novembre 2021
Les affinités conceptuelles
Par Fritz Breithaupt
janvier 2016
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Mort de Kwasi Wiredu, père de la “décolonisation conceptuelle”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse