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Paris, le 14 juin 2016. Manifestation contre la loi Travail, à l'appel de l’intersyndicale CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL, Fidl, dans le cadre de la journée de grève interprofessionnelle. © Denis Meyer/Hans Lucas/AFP

Marcher dans le cassé

Samuel Lacroix publié le 19 janvier 2023 3 min

Notre journaliste Samuel Lacroix a une confession à faire : il y a quelque chose qui, en général, l’hypnotise dans les manifestations avec de la casse. Sans prendre lui-même part aux violences, et alors même que celles-ci l’effraient, il lui est régulièrement arrivé de ressentir une sorte de frisson d’extase en se trouvant dans de tels rassemblements et en contemplant le désordre qui en émane. Pourquoi donc ?

 

« Je garde un souvenir intense du 14 juin 2016. Ce jour-là, je me suis rendu à une manifestation contre la loi Travail, à Paris, et j’ai assisté à un innommable chaos. Entre les lits de grenades lacrymogènes jonchant le sol, les vitrines brisées ornées de tags créatifs (“Victoire par chaos”, “Hommage aux familles des vitrines”), les pavés, pétards et autres fumigènes, le spectacle était absolument saisissant. C’est à Montparnasse que la manifestation a atteint son summum de violences, à telle enseigne que mon père, qui à l’époque habitait le quartier, m’a appelé pour m’enjoindre de partir sans attendre.

Pourtant, je ne suis pas rentré. Le spectacle avait quelque chose de désolant, et j’étais terrifié, mais il a produit en moi une certaine ivresse. Comment l’expliquer ? Depuis tout petit, j’ai une sorte de fascination étrange pour la casse. Quand je regardais Le Roi et L’Oiseau (1980), le dessin-animé de Paul Grimault, ma scène préférée était celle où le robot démolit le palais du roi. Une fois mon visionnage terminé, je m’en allais dans ma chambre construire un palais en Lego avant de le démolir et de “marcher dans le cassé”. Encore aujourd’hui, le rêve de pouvoir détruire une maison abandonnée ou de me rendre dans une “destroy room” m’enthousiasment au plus haut point. Et voir à quelques mètres de moi un manifestant tout de noir vêtu exploser les vitrines d’un café Starbucks à l’aide d’un petit marteau m’a, je le confesse, amoralement grisé. Globalement, je dois dire que j’ai trouvé toute cette effervescence, ce mélange de couleurs et de sensations, très belle.

Alors, quoi ? Suis-je nihiliste ? Peut-être. “Je suis nihiliste, mais j’aime la beauté”, fait dire Dostoïevski au personnage de Piotr Verkhovenski dans Les Démons (1871-72). Si l’on regarde le nihilisme sous son angle actif, celui de la “transvaluation des valeurs” nietzschéenne, on peut vouloir tout détruire pour mieux reconstruire, et donc avoir bel et bien certains idéaux – pas un simple attrait pour la violence et la destruction. Mais je crois que c’est le pur spectacle de la force, du danger, de la violence elle-même qui me chamboule parfois, comme, aussi, lorsque j’observe des foules électriques lors de certains matchs de foot.

Ce type d’expériences, où la beauté le dispute au danger, c’est précisément ce que Schopenhauer désigne comme l’expérience du sublime. “Elle se produit ici à l’aspect d’un anéantissement qui menace l’individu, à la vue d’une force incomparablement supérieure qui le dépasse”, détaille-t-il dans Le Monde comme volonté et comme représentation (1819). Cette force supérieure, ce peut être à la fois celle des importants dispositifs policiers et des foules compactes dans lesquelles on peut se trouver pris. On peut s’y découvrir totalement inconstant, démuni, insignifiant à leur côté, dans un mécanisme finalement proche de ce qui se passe en nous quand on songe à l’immensité du cosmos et de l’univers. Des moments où l’on se sent minuscule et où l’on s’oublie dans la contemplation du monumental. Une curieuse autre porte d’entrée vers une forme d’absolu ? »

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