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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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L’intérieur du Palais Vivienne, à Paris, le 5 avril 2021. Alors que tous les restaurants du pays sont fermés au public en raison de la pandémie, des dîners clandestins impliquant soi-disant des membres du gouvernement se seraient tenus dans ce bâtiment, actuellement propriété du collectionneur Pierre-Jean Chalençon. © Thomas Coex/AFP

Air du temps

“Manger les riches ?” Un slogan… révolutionnaire 

Michel Eltchaninoff publié le 08 avril 2021 4 min

Suite à la (semblerait-il fausse) rumeur selon laquelle « des ministres » auraient participé à de luxueux dîners clandestins dans des palais parisiens, un hashtag a circulé sur les réseaux : #MangeonsLesRiches. Une formule qui remonte en réalité à la Révolution française. Pierre-Gaspard Chaumette, figure des sans-culottes, chef de file des « exagérés », s’inspirait alors de Rousseau pour inviter le peuple, affamé et abandonné, à « manger les riches ». Comment comprendre la portée symbolique de ce mot d’ordre révolutionnaire ? Et que dit-il sur le sentiment d’exaspération actuel ?  

 

Vous avez entendu la nouvelle ? Il paraît que les grosses légumes se réunissent, en plein confinement et sans masques, dans des lieux interlopes de la capitale. Ces parties fines seraient orchestrées par un descendant du neveu de Rameau et de Michel Polnareff dans un luxueux palais proche du Palais-Royal. On y sert des mets de choix, du caviar à la louche et du vin de Champagne. Dans d’autres lieux huppés des beaux quartiers, on peut déguster un plantureux dîner pour des sommes allant de 190 à 490 euros. On chuchote que des ministres, parmi d’autres caciques, y auraient participé. Le facétieux organisateur de ces plaisirs prétend aujourd’hui que ses confidences n’étaient qu’un « énorme poisson d’avril ». On connaît la chanson (on a fait pareil pour la copie de bac du président de la République). Mais le mal est fait : les gros poissons sont ferrés. Les ministres en question doivent se justifier à la télévision. Pendant ce temps, on s’indigne sur les réseaux : « Des ministres se paient des repas de luxe dans un restaurant clandestin pendant que dix millions de personnes sont dans la pauvreté, trois cent mille sont SDF et que des milliers d’étudiants font la queue chaque jour pour de l’aide alimentaire », dénonce un twittos. « Marre de ce système royaliste […]. Comme un relent d’Ancien Régime », s’insurge un autre. Ah oui, c’est vrai, ça rappelle (la citation injustement attribuée à) Marie-Antoinette se moquant du peuple affamé (« Ils n’ont pas de pain ? Eh bien, qu’ils mangent de la brioche ! »), le homard du ci-devant de Rugy, les chasses du roi Macron. Les gravures révolutionnaires ressortent des cartons. La guillotine est remise en service. Et la presse anglo-saxonne s’effarouche de nos éternelles pulsions révolutionnaires.

Un hashtag sert d’étendard : #MangeonsLesRiches. Drôle d’expression, vraiment. D’où vient-elle ? D’après L’Histoire de la Révolution française d’Adolphe Thiers, elle aurait été formulée pour la première fois par Pierre-Gaspard Chaumette, procureur de la Commune de Paris pendant la Révolution française. Après avoir harangué les foules au Palais-Royal (tiens…), il est devenu la voix des sans-culottes et l’un des chefs de file du courant dit des « exagérés » (tiens, tiens…). Il adorait la philosophie, à tel point qu’il a emprunté le nom d’Anaxagoras, le penseur grec condamné à mort pour impiété. Résolument athée, Chaumette voulait instaurer un culte à la Raison. C’est également lui qui a lancé la mode des sabots. Mais il était surtout un adepte de la philosophie de Rousseau… à qui il prête, dans un discours du 14 octobre 1793, la formule suivante : « Si les subsistances et les marchandises viennent à manquer, à qui s’en prendra le peuple ? Aux autorités constituées ? Non… À la Convention ? Non… Il s’en prendra aux fournisseurs et aux approvisionneurs. Rousseau était peuple aussi, et il disait : “Quand le peuple n’aura plus rien à manger, il mangera le riche.” » Je n’ai pas retrouvé la phrase chez Jean-Jacques, et je trouve que ce n’est pas trop son genre. Mais l’expression a fait florès, jusque chez nos voisins de la monarchie britannique. Pour réveiller votre soirée, écoutez donc Eat the Rich de Motörhead (1987)…

Mais restons en France, tout en écoutant du heavy metal. J’oscille entre plusieurs explications pour l’expression « mangeons les riches ». La première est pulsionnelle et carnassière : puisque les riches dégustent du caviar au Palais-Royal pendant que de plus en plus de citoyens doivent se contenter de nouilles au beurre dans leur cuisine, dévorons les dévoreurs. Sur les gradins d’un stade de foot, il y a quelques années, j’ai entendu cette formule au moment où l’équipe de France s’est enfin enhardie face aux Allemands : « On va les bouffer ! » (N.B : c’est effectivement ce qui s’est passé.) En bref, ça se sent plus que cela ne se comprend. La seconde est plus distanciée. Normal : on la doit au froid Claude Lévi-Strauss qui, à la suite de nombreux autres anthropologues, remarque que le cannibalisme a souvent été interprété comme un hommage à ceux qu’on mange. En ingérant la chair d’un adversaire vaincu, on « [s’incorpore] à ses risques et périls la substance dangereuse d’êtres vivants qui furent ou sont devenus des ennemis. » (Article « La leçon de sagesse des vaches folles », 1996)

#MangeonsLesRiches : pulsion rousseauiste ? Hommage paradoxal à ceux qui enfreignent les règles et ne se refusent rien ? Plutôt le ras-le-bol des habitants du pays des bistrots et des restaurants. Mais quand est-ce qu’on les rouvre ?!

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