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Olivia Colman dans “The Lost Daughter”, de Maggie Gyllenhaal. © Yannis Drakoulidis/Netflix

La question taboue

“The Lost Daughter” : qu’est-ce qu’une “mauvaise mère” ?

Joséphine Robert publié le 24 janvier 2022 3 min

The Lost Daughter (Maggie Gyllenhaal, 2021), l’adaptation cinématographique du roman Poupée volée (2006) d’Elena Ferrante qui est en ce moment diffusée sur Netflix, dresse le portrait d’une « mauvaise mère ». Leda Caruso (Olivia Colman), une universitaire américaine, profite d’un séjour sur une île grecque pour se remettre à ses recherches. Étendue sur une chaise longue en bord de mer, elle observe l’arrivée d’une famille bruyante, notamment d’une fille et de sa mère. Une série de curieuses interactions entre Leda et ces femmes révèlera ses propres conflits intérieurs : « Je suis une mère contre nature », déclare-t-elle.

Dans une société où pèse toujours une forte pression sur les femmes en matière de maternité, être une « mauvaise mère » a tout du crime culturel et psychologique. Pourtant, les philosophes et les psychologues en dressent un portrait plutôt nuancé. Analyse.

Nietzsche. La “mère jalouse”

« Ce qu’une mère aime dans son fils, c’est plus elle-même que son fils », affirme Nietzsche dans Humain, trop humain (1878), qui considère que l’amour d’une mère pour son enfant est au fond une projection. Le philosophe assure également que les mères ressentent souvent de la jalousie envers les amis de leurs enfants ! Selon lui, elles désireraient se voir exclusivement elles-mêmes à travers leur progéniture. Leda, l’ambiguë protagoniste de The Lost Daughter, devient même jalouse du lien (maternel) entre une petite fille, Elena, et sa poupée. Pour tenter de s’approprier cette affection dont elle est témoin, et qui la trouble – mais aussi pour punir secrètement la mère de cette enfant, dont elle est également jalouse – Leda lui vole sa poupée. Malgré les pleurs d’Elena, la protagoniste conserve le jouet ; un acte que Nietzsche qualifierait donc d’« espèce de jalousie ».

Winnicott. La mère “suffisamment bonne”

Dans les années 1950, le psychanalyste britannique participe d’un mouvement de désacralisation de la figure de la « mère parfaite », qui devrait être à la fois aimante, pleine d’imagination et d’une disponibilité absolue. Il propose ce modèle de maternité dans son étude Une mère suffisamment bonne, en 1953. Donald Winnicott insiste sur l’importance de n’apporter qu’une attention limitée à l’enfant, afin de laisser de l’espace à son autonomie. L’enfant doit ressentir un manque progressif afin de découvrir ses propres envies et besoins. Dans le film, on apprend que l’héroïne n’est pas parvenue, dans sa jeunesse, à trouver cette bonne distance : jonglant entre ses responsabilités parentales et professionnelles, elle finit par abandonner ses filles de cinq et sept ans. Des enfants qu’elle retrouvera des années plus tard, à l’âge adulte, réussissant enfin à nouer avec elles une relation intime sans être pour autant fusionnelle. Leda est devenue une mère « suffisamment bonne ».

Butler. La “mère involontaire”

Pour reprendre les mots de la théoricienne américaine, « le corps de la femme est soumis à une obligation de se reproduire ». Or pour Butler, être mère n’est pas une identité biologique. C’est une construction culturelle. Butler parle d’une performance : une femme va agir selon les normes associées à l’identité de mère. Pour elle, celle-ci suit l’injonction imposée par le système patriarcal : être une bonne mère douce, attentionnée, et tolérante. Dans le film, à travers des flashbacks, on découvre au contraire la jeune mère furieuse envers ses deux filles. Dans un accès de colère, elle jette la poupée de l’une d’entre elles par la fenêtre. Cet acte symbolise son rejet des responsabilités qui, selon Butler, lui sont imposées – et qui fait écho au vol de poupée, près de quarante ans plus tard. Cette révolte domestique reflèterait donc peut-être un combat plus global contre les normes maternelles imposées depuis des siècles.

“Maman, je pensais que tu étais morte !”

Le film se termine par un appel téléphonique entre Leda et ses filles, devenues adultes. La protagoniste saigne. Elle a été blessée par la mère d’Elena, qui a découvert la poupée volée. On ne sait pas si sa plaie est superficielle ou grave. Au téléphone, les filles disent avoir laissé de nombreux messages et lui avouent l’avoir crue morte. Avec un sourire et des larmes, Leda répond : « Morte ? Non, en fait, je suis vivante. » Que veut-elle dire ? Qu’elle est une femme nouvelle qui a compris ses erreurs passées ? Peut-être. Mais pour cela, elle s’est mise dans une situation dangereuse, tissant des liens avec des personnes violentes dont Leda savait qu’elles se retourneraient contre elle. Comme si, aujourd’hui encore, abandonner (temporairement) ses enfants était un crime pour une femme, bien plus inexcusable socialement que lorsqu’il est le fait de certains hommes ? En Grèce, Leda expie et finit par retrouver ses filles, en même temps qu’elle se retrouve elle-même.

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