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Le livre de Noël

“L’Historiographe du royaume”, de Maël Renouard

Anne Robin publié le 21 décembre 2020 4 min

S’il n’a pas remporté le prix Goncourt, l’ouvrage de Maël Renouard, finaliste du prix littéraire, est un candidat vraiment digne de ce nom. Ce roman nous plonge dans le royaume du Maroc du temps de Hassan II, le père de Mohamed VI : à travers les péripéties souvent cocasses d’Abderrahmane Eljarib, fils d’instituteur dans une province éloignée devenu historiographe du royaume, l’auteur nous fait découvrir le Maroc de la fin du protectorat français au milieu des années 1970. De Rabat à Meknès en passant par Tarfaya, nous suivons les aventures du narrateur dans ses relations avec le roi. Ouvrage haletant, L’Historiographe du royaume (Grasset, 2020) nous dépeint les cercles de pouvoir qui s’agrègent autour d’un souverain absolu, et nous donne un aperçu sur la façon dont s’écrit la grande histoire.

 

  • Les pérégrinations d’un agent “officiel”. L’Historiographe du royaume est à la fois un roman historique où se mêlent aventure, réalité et fiction, et un conte philosophique. L’ouvrage se construit autour de la trajectoire d’Abderrahmane Eljarib, projeté par hasard au collège royal de Rabat, dans l’entourage du futur roi Hassan II. Balloté entre disgrâce et promotion selon le bon vouloir du roi, Eljarib sera envoyé en exil pendant sept ans à Tarfaya, ville désertique au sud du pays, puis nommé historiographe du royaume. Il ne comprendra jamais les motivations de ces décisions. Aussi le roman s’ouvre-t-il sur cette phrase « Je fus en grâce autant qu’en disgrâce. De l’un ou l’autre état les causes me furent souvent inconnues. » Les aventures trépidantes de ce personnage nous font aussi découvrir le roi Hassan II. Loin des caricatures, il est à la fois entouré de courtisans et menacé dans son pouvoir, il est souvent craint, mais il est parfois drôle. On comprend également la part d’arbitraire et de mystère qui entoure chaque décision royale, même pour les plus proches. Ce sont ces décisions qui détermineront la vie d’Abderrahmane Eljarib. À travers le parcours du principal protagoniste, le lecteur découvrira une partie de l’histoire politique du pays, de l’émergence des mouvements nationalistes à la fin du protectorat, aux courants contestataires et révolutionnaires de la jeunesse marocaine sous le règne de Hassan II. Maël Renouard nous propose donc une grande fresque jonglant habilement entre pure fiction, réalité historique et anecdotes authentiques.
  • La grande et la petite histoire. En tant qu’historiographe du royaume, Eljarib se voit confier de nombreuses tâches. Il doit entre autres travailler à la préparation d’un ouvrage du roi retraçant ses souvenirs historiques, et son bilan politique. Mais sa principale mission consiste à déterminer s’il faut ou non fêter les 300 ans du règne de Moulay Ismaël. Cette mission est délicate – Moulay Ismaël étant à la fois celui qui rétablit l’unité du royaume à la fin du XVIIe siècle et un sultan particulièrement sanguinaire. Faire le parallèle entre son règne et celui de Hassan II est périlleux. Il s’agit de bien mesurer l’opportunité politique de fêter un tel événement historique. Par sa mission d’historiographe, le personnage d’Eljarib nous fait découvrir comment s’écrit l’histoire des rois. Il ne s’agit pas tant, comme on pourrait le penser, de délivrer une vérité factuelle. Voilà comment il décrit son travail : « Je savais depuis longtemps qu’il n’entrait pas dans les prérogatives de ma charge d’historiographe d’être informé du présent. Les événements n’étaient pas mon affaire ; et si j’avais voulu m’en mêler davantage, on aurait veillé à ce qu’il n’en fût rien. Je n’apprenais une chose qu’à partir de l’instant où l’on pouvait en disposer à son gré, dans une narration convenable. » La grande histoire est donc celle que l’on raconte « dans une narration convenable », celle que l’on peut rendre intelligible en remontant les causes des évènements sans que cela ne mette en péril le pouvoir en place. Ironie de l’ouvrage, en tant qu’historiographe, Eljarib étudie l’histoire de la dynastie alaouite et l’inscrit dans un récit cohérent, là où son histoire propre en est totalement dépourvue. C’est l’un des paradoxes de ce livre : le tiraillement entre la grande histoire, que l’on explique rationnellement selon l’opportunité politique, et la vie particulière, souvent mystérieuse et subie. Notre héros ne cesse de conjecturer sur le sens de son parcours, sans parvenir à l’inscrire dans une narration cohérente.
  • « Amor fati » (« aime ce qui t’arrive »). C’est un peu ce que l’on a envie de dire, avec Épictète et Nietzsche, au héros de ce roman. C’est aussi l’attitude intérieure qu’il développe tout au long de l’ouvrage. Même s’il n’a de cesse de se demander pourquoi ce qui lui arrive… lui arrive, il se conforte dans l’idée d’un destin sur lequel il n’a pas de prise. Tantôt il compare la vie à un échiquier, « un jour la peine et le lendemain la joie – un jour la case noire et le lendemain la case blanche, sur l’échiquier de la vie. » Tantôt il se compare à un joueur d’échecs lui-même objet d’une partie plus grande, dans des vers qu’il écrit durant son exil : « Le joueur prend le pion entre ses doigts et le pousse, dans la case blanche et la case noire ; le calife prend le joueur entre ses doigts et le pousse, dans la grâce et la disgrâce ; le maître des mondes prend le calife entre ses doigts et le pousse, dans le jour et dans la nuit. » Tout historiographe qu’il est, il n’est pas moins impuissant face à son existence. Le roi lui-même n’est pas maître de son existence, comme l’illustre le coup d’état raté de 1971, lors duquel il prononce stoïquement cette phrase : « C’est le destin mes amis, c’est le destin. Il faut attendre. » Accepter ce qu’il lui arrive sans attendre plus, c’est donc ce que fait ce héros avec une certaine sagesse. « Le présent était dépourvu d’espérance et je l’appréciais plus purement », nous dit-il comme pour nous inviter à accepter à peu près joyeusement notre destinée.
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