Les voyageurs du vide
En adaptant “Les Naufragés”, du philosophe et psychanalyste Patrick Declerck, le metteur en scène Emmanuel Meirieu braque le projecteur sur la condition des misérables.
Raymond avait « une tête toute ronde, un peu ratatinée. L’œil malicieux. Gros pif. Un gnome. Un peu Puck. Puck du Songe d’une nuit d’été », comme l’écrit Patrick Declerck dans Les Naufragés (Terre humaine, Plon, 2001). Le philosophe et psychanalyste a suivi pendant plus de quinze ans les clochards de Paris. Raymond était de ces « pauvres types ahuris d’alcool et de drame », de ces « grands voyageurs du vide ». Il en brosse le portrait et retrace son identité dans son essai magistral : « J’ai voulu pour ces hommes sans paroles, sans histoires et sans traces, ériger une sorte de monument. Un mémorial qui leur ressemble un peu. Tronqué donc. Un rien de travers. » Emmanuel Meirieu en a tiré une adaptation théâtrale, ovationnée l’an dernier, lors de sa création à Lyon. Des cas relatés par Patrick Declerck, le dramaturge retient donc celui de Raymond, ce « Puck vieilli » qu’il met en scène et qu’interprète François Cottrelle. Dans un décor d’échouage, pieds nus sur un banc de sable jonché de détritus, avec une épave dans son dos, il prête sa voix à ce naufragé, mort de froid un soir d’octobre 1989. Raymond incarne ce que le psychanalyste appelle « la puissance mortifère de l’exclusion ». Car la clochardisation n’est pas, selon Patrick Declerck, un simple problème de société. « Le clochard, écrit-il, est un exclu qui en est venu à ne plus pouvoir vivre autrement que dans l’exclusion perpétuelle de lui-même. » Par conséquent, il faut rompre avec le vain fantasme de la réinsertion ou l’espoir d’un retour à la « normalité » de ces personnes gravement désocialisées. Et d’ajouter : « J’ai aidé à les soigner, je pense en avoir soulagé plusieurs, je sais n’en avoir guéri aucun. » Éloquente, la réflexion n’aurait pas la même ampleur si Patrick Declerck, et Emmanuel Meirieu avec lui, ne lui conférait un aussi fort accent métaphysique. Ils montrent bien la fragile communauté de destin qui nous lie tous, à laquelle l’insensée misère des clochards nous rappelle incessamment : « Un jour, notre soleil va mourir, et on le sait. Moi je pense à ça chaque fois que mon regard se pose sur une chose : tout périra ».
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