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© Frédéric Poletti 

Patrick Declerck. Le bruit et la tumeur

Alexandre Lacroix publié le 28 mai 2015 10 min

Après avoir vécu neuf ans avec un cancer au cerveau, l’écrivain et psychanalyste Patrick Declerck a subi une opération chirurgicale à hauts risques. Il tire de cette expérience un récit et des réflexions qui ont de quoi ébranler les âmes sensibles.

Comment avez-vous découvert votre maladie ?

Patrick Declerck : Il y a neuf ans, un matin, au réveil, j’ai été pris d’un malaise qui n’a duré qu’une poignée de secondes, mais que j’ai immédiatement reconnu comme étant très probablement une minicrise épileptique. C’est un état particulier : le flux de la conscience se fractionne, comme envahi de décharges nerveuses et d’hallucinations. Sorte de rêve éveillé d’un instant. Un instant dont on ne peut s’échapper et dont les représentations mentales n’ont aucun sens. Si je n’avais pas travaillé pendant vingt ans comme psychanalyste à Médecins du Monde et à l’hôpital de Nanterre, auprès de sans-abri souvent alcooliques, et donc souvent sujets à l’épilepsie, je serais sans doute passé à côté du sens de mon propre symptôme.

Comme je venais de donner une conférence dans un hôpital universitaire de Bruxelles, j’ai rappelé les médecins rencontrés la veille. Ils m’ont fait passer une IRM qui a révélé que j’avais une tumeur au cerveau. Cette tumeur se trouvait au pire endroit pour un droitier, soit au centre de l’hémisphère gauche qui dirige la mobilité de la partie droite du corps, mais qui est, aussi et surtout, le siège du langage et des raisonnements mathématiques. Bref, le temple de la pensée rationnelle.

 

Une tumeur située dans la zone du langage, ce n’est pas innocent pour un écrivain.

Non, mais ce n’est peut-être pas là tout à fait un hasard. Des études ont montré que les tumeurs de ce type – gliomes de bas grade qui progressent assez lentement – se logent souvent dans les parties les plus stimulées du cerveau. On m’a cité le cas d’un pilote de ligne présentant un gliome dans la zone du cortex réglant l’équilibre.

 

« Certaines analyses médicales permettent de penser que ma tumeur a peut-être commencé à se développer à l’époque où je me suis mis à écrire Les Naufragés »

Pourtant, tous les écrivains ne déclenchent pas des tumeurs.

Et c’est heureux ! Cela dit, mon propre rapport à l’écriture mérite peut-être d’être interrogé. Dans mon roman autobiographique Démons me turlupinant, j’ai décrit les dimensions conflictuelles de ma relation à mon père. Relation qui, par ailleurs, était loin d’être uniquement conflictuelle. Disons simplement que l’enjeu majeur et compétitif entre nous était de savoir qui était le plus intelligent et, d’une manière générale, le plus proche des livres, symboles de toute vraie connaissance. Or, il se fait que mon père est mort d’un infarctus quelques mois avant que ne paraisse Les Naufragés, mon premier essai. En un sens affreux mais réel – et l’incon­scient ignore toute morale –, on pourrait dire qu’avec sa mort à lui et mon premier livre à moi, j’avais en quelque sorte gagné cette vieille lutte entre nous. Pour autant, certaines analyses médicales permettent de penser que ma tumeur a peut-être commencé à se développer à l’époque où je me suis mis à écrire Les Naufragés. La règle du jeu de mon conflit œdipien semblerait donc s’énoncer ainsi : « Pile tu gagnes, face je perds. » J’avais cru l’emporter dans ma rivalité avec mon père, en accédant, à un âge tardif, à la publication. Aurait-ce été pour aussitôt enclencher en moi, à mon insu, un processus tumoral situé dans la zone précise du langage et de l’écriture ? La question reste, et restera, en suspens.

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