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Détail de la gravure “Melencolia I”, d’Albrecht Dürer (1514, gravure sur cuivre, 239 x 185 mm). © Domaine public/Rijksmuseum

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Les trois visages de la mélancolie

Alexandre Lacroix publié le 26 octobre 2023 9 min

Avec les progrès de la médecine, le terme de « mélancolie », employé par les penseurs classiques, est devenu d’un emploi moins fréquent que celui de « trouble dépressif ». Mais peut-être permet-il de mieux décrire toute une gamme d’états – de l’ivresse sombre au deuil, en passant par le découragement – que nous traversons tous.

 

Étrange état que celui de la mélancolie, que nous avons tous éprouvé et qui n’est ni la tristesse ni la dépression. La tristesse s’apparente à une forme de douleur morale, elle s’abat sur nous, nous éteint provisoirement, puis se dissipe, cédant au divertissement ou au renouvellement des jours. La dépression, elle, appartient au registre de la psychiatrie ; elle appelle, sous ses formes aiguës, des soins, un traitement. Mais la mélancolie est plus ample que la tristesse et moins pathologique que la dépression, les troubles bipolaires ou le burn-out.

“La mélancolie est plus ample que la tristesse et moins pathologique que la dépression”

 

Pour saisir le sens de cette notion, rien de tel que de retracer son histoire. Elle commence avec un texte attribué à Aristote et connu sous le titre « L’homme de génie et la mélancolie ». Cet essai ne se comprend qu’en tant que réponse à la psychologie proposée par Platon. Dans son dialogue le Phèdre, Platon compare l’âme humaine à un char attelé à deux chevaux mal appariés, l’un cherchant à s’élever vers le beau, le vrai, le bien, l’autre descendant vers la terre, trébuchant sans cesse. Être inspiré, être capable de s’intéresser à la philosophie, aux mathématiques, à la géométrie, à la poésie, c’est pouvoir mener cet attelage vers une élévation. Mais Aristote est plus prosaïque, ou plutôt plus biologiste : pour lui, l’état d’inspiration qui permet le génie, la science, la poésie, doit s’expliquer par la physiologie. Il reprend à son compte la théorie des humeurs propre à la médecine de son temps. Melankholía est un mot grec composé de mélas, « noir », et de kholé, la « bile ». Le mélancolique est celui dont la bile est noire et venteuse. Cette bile, dans sa composition, se rapproche de l’humeur de la vigne. Ainsi, l’inspiration poétique, le génie proviendraient d’une forme d’ivresse naturelle et permanente. Aristote lie pour la première fois la mélancolie et les facultés créatrices de l’humain, en les plaçant résolument dans le corps.

À la fin du Moyen Âge, au temps de l’humanisme, la mélancolie va revêtir une acception nouvelle. En effet, dans le monde chrétien, la mélancolie caractérise l’état de l’être humain coupé de la révélation, ou de la béatitude, et dont la lucidité le ramène au constat de sa finitude. Ce n’est pas rien que de se savoir fini, et mortel, en se rapportant sans cesse à l’infini et à l’éternité de Dieu. Cela a de quoi créer une profonde prostration. Ce n’est pas un texte, mais une gravure, Melencolia I d’Albrecht Dürer (voir ci-dessous), datée de 1514, qui fixe cette nouvelle compréhension. L’historien de l’art Erwin Panofsky en a proposé une interprétation magistrale : il relève que la personne ailée symbolisant la Mélancolie est entourée d’outils de géométrie, notamment d’un compas dont elle ne se sert pas. Le mélancolique serait donc celui qui se tient tout au bout de ce que permettent la raison scientifique ou les facultés créatrices de l’être humain et qui, arrivé là, sombrerait dans une profonde indifférence, voire un dégoût de tout, une irrépressible négativité.

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