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Magyd Cherfi. © Hannah ASSOULINE/Opale via Leemage

Questionnaire de Socrate

Magyd Cherfi. Seul avec tous

Magyd Cherfi, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 19 août 2020 3 min

Raconter aux Français une histoire de Français qui n’entre pas dans l’histoire de France ? C’est l’engagement dans l’écriture de Magyd Cherfi, fils d’immigrés algériens qui a été durant trente ans la plume et la voix du groupe toulousain Zebda. En 2016, revenant sur son enfance dans la cité, il revendiquait haut sa « part de Gaulois ». Avec une faconde des faubourgs qui réinvente le roman social du XIXe siècle, il explore à présent La Part du Sarrasin (Actes Sud) dans cette France des années 1980-1990 qui se croyait multiculturelle. Une histoire d’amour, de fraternité et d’illusions perdues. Un bon titre pour la rentrée littéraire 2020. 

Quelle est la question qui vous tourmente ?

« Est-ce que je vaux quelque chose ? » Je crains d’être habité par cette obsession : être à la hauteur, montrer que nous, les Arabes de la cité, nés dans la cendre, on n’est pas rien.

 

Que retenez-vous de votre éducation ?

La dureté. Quand on est fils de pauvre, né dans la cendre, il faut recevoir une éducation rude pour être préparé à la dureté du monde. J’ai eu une mère impitoyable. Elle a mis la barre très haut. 

 

Votre truc pour corrompre la jeunesse ?

Surtout ne pas respecter les vieux parce qu’ils sont vieux. À mes enfants, j’ai toujours dit : ne me regardez pas comme un exemple. Un jour, j’ai demandé à mon fils de voler une pile dans une grande surface. Il a protesté : « Mais papa, c’est mal ! » Justement : chacun étant porteur du mal, voyons ce que cela fait de le commettre (j’étais prêt à payer le vigile à la caisse) pour éviter de se trouver dans une situation où on le fait sans le savoir. Je voulais que mon fils fasse l’épreuve en lui du négatif.  

 

De quoi aimez-vous être ivre ?

De la confiance. Cette confiance qui fait que l’on peut se donner les yeux bandés. J’aime la sentir dans le regard de l’autre, en particulier de mes fils. Entendre « Magyd, on peut compter sur lui » est un ravissement terrible.

 

De quoi doutez-vous ?

De tout. Ça me semble un axe sain… à condition de commencer par douter de soi. Les sceptiques ne doutent souvent que des autres. 

 

La solitude, vous l’aimez comment ?

Comme j’ai donné à ma famille le sens moral le plus élevé, j’ai toujours écrit avec des mômes qui gambadaient autour de moi. L’isolement de l’écrivain, je l’aime à condition d’être proche des miens. Je suis seul sans l’être. La terrible solitude, je l’ai éprouvée dans les collectifs. Je n’ai vécu que de « on » avant de comprendre qu’avec mes copains de Zebda, on n’avait au fond rien à faire ensemble. 

 

Le combat dont vous êtes le plus fier ?

D’avoir su me désacraliser, m’effacer, parfois sacrifier mon travail de création pour que mes enfants soient émancipés de moi. Je suis fier d’avoir été le père que j’ai été.

 

Quel est votre rituel le plus précieux ?

J’exècre toute idée de rituel sauf celle d’un rituel contre les rituels, encore que je n’en ai pas. J’aimerais inventer un rituel antireligieux, anticroyance. 

 

Une place pour la Cité idéale ? 

Pas de place pour l’idéal : il y a la Cité, elle est faite de rêves magnifiques de fraternité, de paix, de justice, et de toutes les méchancetés du monde. Je ne comprends le monde que dans sa méchanceté.

 

Quel est le sens qui vous fait le plus défaut ?

Une forme de bienveillance, la capacité à me faire des illusions. J’ai un regard noir, cynique et désabusé sur autrui. Seule la création – un poème, un film, une musique… – peut me transporter, me réconcilier.

 

Votre drogue favorite ?

Les mots. Je ne peux pas m’en empêcher, au point que mes proches attendent « la petite tournure du jour ». Celle d’hier : « Il n’y a pas de bon non. » Ce qui ne veut pas dire que tous les oui soient bons ! Mais je crois qu’il n’est jamais bon de dire non et seulement non. C’est comme dire « jamais », « moi, jamais ! »… C’est un mot qu’on ne devrait jamais utiliser !

 

Votre mot favori ?

J’en aime trop pour choisir. Prenons celui qui me vient à l’esprit : « injonction ». Il a un sens moral extraordinaire et en même temps, ça ne sert à rien. Un sketch des Inconnus met en scène Jésus qui s’énerve : « Aimez-vous les uns les autres, bordel de merdre ! »

 

Avez-vous peur de la mort ?

Je pense que oui puisque j’ai déjà peur de vieillir. Longtemps, j’ai rêvé de ne pas franchir la barre des 27 ans, parce qu’au-delà, dans la mythologie du rock’n’roll, tu es fini : on a 20 ans ou rien d’autre. 

 

 

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Article issu du magazine n°142 août 2020 Lire en ligne
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