Les jeunes sont-ils en train de passer à l’extrême droite ? Non, mais…
Le Rassemblement National, premier parti de la jeunesse ? Une récente enquête Ipsos-Ifop publiée par Le Monde indique que, contre toute attente, le poids du parti de Marine Le Pen auprès des 25-34 ans serait passé de 23% en 2017 à 29% à un an des présidentielles de 2022. Avec une chute symétrique de 24% à 17% pour la France Insoumise. Y aurait-il un élan inédit de la jeunesse vers le Rassemblement National ? En fait… non, pas vraiment, d’après Christèle Lagier, chercheuse en sociologie politique et spécialiste du vote RN. Car, en valeur absolue, les intentions de vote pour le Rassemblement National ne progressent pas – c’est relativement aux autres que le RN monte. En revanche, Lagier relève deux évolutions majeures parmi les jeunes : un décrochage massif vis-à-vis de la politique, qui se traduit par l’abstentionnisme. Et ensuite, le fait que le RN apparaît désormais aux jeunes à la fois comme le parti le plus stable et comme celui qui répond à certaines de leurs inquiétudes. Nous avons posé trois questions à la politologue.
Assiste-t-on à une dynamique d’électeurs jeunes vers le RN ?
Christèle Lagier : Non, on ne peut pas vraiment dire qu’il y a un grand élan de la jeunesse vers le Rassemblement National ; disons plutôt que le RN est le parti qui démobilise le moins et qui arrive le mieux à préserver ses scores. Car la tendance la plus massive des 18-24 et des 25-34 ans, c’est l’abstention. Il faut d’ailleurs rappeler que l’abstentionnisme intermittent est aujourd’hui le comportement le plus fréquent sur l’ensemble de la population : il y a plus de gens qui ne votent pas que de gens qui votent de manière régulière. En termes d’adhésion, le RN n’est pas plus à l’abri des autres partis de cette désaffection globale à l’égard des partis politiques, y compris dans les terres où il est le mieux implanté. Dans le Sud-Est, où je travaille, les sections locales sont très affaiblies et tenues par les anciennes générations qui sont en train de disparaître. Et en volume de votants, quand on compare les dynamiques de 2017 avec celles d’aujourd’hui, Marine Le Pen perd des voix. Cependant, et c’est ce qui explique ses bons résultats dans les sondages, le RN perd moins de soutiens que les autres partis – il s’en sort tout simplement mieux.
La tendance lourde, selon vous, c’est donc l’abstention ?
C’est effectivement le comportement majoritaire des jeunes. Et l’on ferait bien de mettre en lumière cet élément dans le débat public, plutôt que de laisser croire qu’il y aurait un engouement pour le RN ! D’autant que, quand on parle de jeunes qui savent déjà pour qui ils voteront à un an de l’échéance, il s’agit d’un petit échantillon de personnes qui tend encore à se réduire. La majorité ne le sait pas d’avance… En sociologie électorale, on observe d’ailleurs des comportements non seulement intermittents mais aussi de plus en plus erratiques : les votants changent d’avis fréquemment. Cette adhésion de circonstance fluctue au gré des conjonctures politiques, des effets de campagne, du temps très court de la communication politique.
Néanmoins, vous dites qu’on observe une résistance plus grande à l’abstention des jeunes en faveur du RN.
C’est indéniable. D’abord, sur toute une série de questions qui vont de l’Europe à l’immigration, le RN surfe très habilement sur la pensée complotiste qui se développe dans la jeune génération. Et il pratique, via les groupuscules qui gravitent autour du parti, une excellente communication sur les réseaux sociaux, que ces groupuscules utilisent de manière très systématique sur certains sujets à destination des jeunes. Ensuite, force est de constater que la stratégie de dédiabolisation initiée par Marine Le Pen a fonctionné. La jeune génération n’a plus du tout en tête l’image sulfureuse de Jean-Marie Le Pen. Enfin, et c’est le point le plus inquiétant, le RN apparaît dorénavant aux jeunes comme un repère politique incontournable dans le paysage politique : il est à la fois le plus stable et le plus présent, le seul qu’on arrive à peu près à identifier, celui que les jeunes ont vu d’élection en élection. Si l’on demande aux jeunes de citer une seule personnalité politique, ils vont citer Marine Le Pen. À gauche en revanche, en l’absence de candidats clairement identifiés, il est beaucoup plus difficile pour les jeunes électeurs de se projeter. Le Rassemblement National, ce parti qui se disait anti-système, est donc paradoxalement devenu le plus stable du paysage politique français.
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