Marine Le Pen : le mélange des libertés
« Libertés, libertés chéries » : il y a quelques jours, Marine Le Pen dévoilait son slogan pour sa prochaine campagne présidentielle. Un choix de vocabulaire étonnant, que l’on attendrait davantage dans la bouche de son principal rival, Emmanuel Macron. À ceci près que la candidate du Rassemblement national parle de libertés au pluriel, plutôt qu’au singulier. Un choix qui l’ancre dans une tradition politique conservatrice et antirévolutionnaire.
Les libertés contre la liberté
« La liberté n’est qu’un principe vide sans sa déclinaison avec un “s”. Voilà pourquoi nous avons fait le choix de ce slogan, “libertés, libertés chéries” » : c’est autour de cette opposition que s’est construit le discours de rentrée de la candidate du Rassemblement national (RN). D’un côté, la liberté comme valeur abstraite et universelle – celle d’Emmanuel Macron ; de l’autre, les libertés concrètes, réelles, que chacun exerce au quotidien. D’un côté, une liberté formelle, tombée du ciel ; de l’autre, des libertés ancrées dans le cœur des hommes par une relation vivante, affective et personnelle de désir (chéri, de l’indo-européen *keh₂-, « aimer, aspirer à »).
La licence de l’individualisme
L’opposition, à vrai dire, n’est pas nouvelle. Elle remonte au philosophe contre-révolutionnaire Edmund Burke, qui affirmait malicieusement : « La liberté, je ne sais pas ce que sais. » La liberté n’est rien à ses yeux. Elle est donc impuissante. Au contraire, les libertés sont « issues de la tradition et de l’histoire », elles sont, comme le précise Burke dans ses Réflexions sur la Révolution en France (1790), « un héritage » propre à un peuple singulier. Ce n’est pas un hasard si Marine Le Pen se rêve, dans la foulée, en « président des libertés françaises ». La liberté abstraite, pour Burke, est également dangereuse. Parce qu’il est indéterminé, l’idéal absolu de la liberté enivre l’homme et le conduit à revendiquer toujours plus de libertés. La liberté, au singulier, menace donc l’ordre social parce qu’elle exalte l’individualisme débridé. Elle conduit au règne de la licence – la liberté illimitée de l’individu –, en lieu et place d’une communauté sociale organisée par des libertés précises, en nombre limité.
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