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© Emilio Garcia/Unsplash

Art de vivre

Le jeûne des philosophes

Octave Larmagnac-Matheron publié le 01 mars 2023 4 min

Jeûne intermittent, stage de jeûne, etc. : les pratiques de privation alimentaire sont plébiscitées, mais aussi de plus en plus décriées. Souvent associé aux sagesses d’Asie, le jeûne a cependant eu de nombreux défenseurs dans la philosophie occidentale. Illustration d’Épictète à Foucault.


Épictète : purifier ses désirs

Fidèle à l’enseignement de son maître Musonius Rufus, l’un des fondateurs du stoïcisme, Épictète, l’esclave philosophe, accorde de l’importance aux exercices de jeûne. « Exerce-toi parfois à vivre comme un malade, pour vivre un jour comme un bien-portant. Jeûne, bois de l’eau ; abstiens-toi une fois entièrement de désirer, pour avoir un jour des désirs conformes à la raison », conseille-t-il dans ses Entretiens. Le jeûne est conçu comme un entraînement en vue de la maîtrise de soi (sophrosynè, σωφροσύνη), il nous aide à nous libérer de la tyrannie des désirs.

Augustin : s’humilier et s’élever

Pour Augustin, l’un des théologiens les plus importants de la tradition chrétienne occidentale, le jeûne possède une double fonction. Il s’agit d’une part, comme il le souligne dans De l’utilité du jeûne, de « s’humilier, avec une foi sincère, par les gémissements de la prière et la mortification du corps », d’affirmer notre insignifiance, notre vanité par rapport à Dieu. Mais, d’autre part, « la seconde espèce de jeûne […] se propose de nourrir l’esprit » : le jeûne permet en effet de « se détourner des plaisirs de la chair en goûtant les douceurs spirituelles de la sagesse et de la vérité, et en souffrant volontairement la faim et la soif ». Il découvre à l’homme sa véritable nature spirituelle. Notre vie ne s’arrête pas à l’incarnation ici-bas. Le Christ en donne l’exemple, qui jeûna après son baptême par Jean le Baptiste.

Schopenhauer : anéantir le vouloir-vivre

Pour le philosophe allemand, la vie est vouée au malheur et à l’insatisfaction : notre existence est sous-tendue par une volonté insatiable, dont les besoins renaissent sans cesse, explique-t-il dans Le Monde comme volonté et comme représentation (1818). La seule manière d’échapper à ce cycle sans fin, c’est la destruction du « vouloir vivre », la « mortification de la Volonté ». Les ascètes – chrétiens, bouddhistes ou hindouistes – sont passés maîtres dans cet art. L’ascète « ressent encore tous les désirs de la Volonté, en tant qu’il est un corps animé, et une manifestation du vouloir ; mais il les foule aux pieds exprès. […] Non moins que la Volonté même, il mortifie ce qui la rend visible et objective, son corps ; il le nourrit parcimonieusement, évitant un état de prospérité, de vigueur exubérante, d’où la volonté renaîtrait plus forte et plus excitée, cette volonté dont il est l’expression et le miroir. Il pratique le jeûne, la macération même et les disciplines, afin, par des privations et des souffrances continuelles, de briser de plus en plus, de tuer, cette volonté en qui il reconnaît et il hait le principe. » Le jeûne, sous une forme toujours plus extrême, est une forme de purge.

Nietzsche : réveiller les pulsions

Loin de considérer le jeûne comme une sombre mortification, Nietzsche y voit au contraire une technique pour exalter les désirs. « Il doit y avoir diverses sortes de jeûne, et partout où règnent des habitudes et des pulsions puissantes, il appartient au législateur d’insérer des jours intercalaires où l’une de ces pulsions sera mis aux arrêts et apprendra à avoir faim à son tour », écrit-il dans Par delà le bien et le mal (1886). Le jeûne stimule les forces vitales.

Levinas : apprendre à donner

Aux approches du jeûne centrées sur soi, Emmanuel Levinas substitue une approche tournée vers autrui : la privation du jeûne n’a de sens que dans la mesure où elle s’inscrit dans l’horizon d’un don de soi, d’un sacrifice. « Donner, être-pour-l’autre, malgré soi, mais en interrompant le pour-soi, c’est arracher le pain de sa bouche, nourrir la faim de l’autre de mon propre jeûne », résume-t-il dans Emmanuel Levinas. Essai et entretiens (avec François Poirié, 1996). Le jeûne est d’abord un jeûne éthique, indissociable de l’assomption d’une responsabilité à l’égard d’autrui.

Foucault : renouer avec la sagesse antique

Pour Michel Foucault, l’entrée dans le christianisme marque une inversion dans les logiques de privation ou de restriction : « C’est un trait commun à toute la médecine grecque et romaine d’accorder beaucoup plus de place à la diététique de l’alimentation qu’à celle du sexe », explique-t-il dans le troisième tome de son Histoire de la sexualité (1984). Pour elle, la grande affaire, c’est manger et boire. Il faudra toute une évolution qui sera sensible dans le monachisme chrétien pour que le souci du sexe commence à équilibrer celui de la nourriture ; mais les abstentions alimentaires et les jeûnes resteront longtemps fondamentaux. Et ce sera un moment important pour l’histoire de l’éthique dans les sociétés européennes, que le jour où l’inquiétude du sexe et de son régime l’emportera de façon significative sur la rigueur des prescriptions alimentaires. » Foucault n’est pas, sans doute, un défenseur des pratiques de jeûne, mais sa recontextualisation historique laisse entendre que nous avons peut-être perdu quelque chose en route dans cet oubli des privations alimentaires... tant qu'elles ne représentent pas de danger pour la santé. 

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