“Harvest”, l’album apollinien d’un Neil Young dionysiaque
Si, ces derniers temps, le rockeur canadien Neil Young fait davantage parler de lui pour ses démêlés avec la plateforme audio Spotify, c’est oublier que l’un des sommets de sa foisonnante discographie, Harvest, fête ce mois-ci ces cinquante ans. On vous explique pourquoi de nombreux fans, au premier rang desquels Michel Houellebecq, voient dans cet album une illustration en musique de la pensée de Friedrich Nietzsche.
« C’est probablement le plus beau disque que j’ai jamais enregistré mais me concernant, c’est vraiment un adjectif très restrictif », a un jour déclaré Neil Young. Le Canadien, qui, au moment de l’enregistrement de Harvest, souffre des vertèbres au point de se produire parfois sur scène avec un corset, y privilégie les sonorités acoustiques, moins exigeantes physiquement que l’électrique. Entre ses accents country, ses envolées symphoniques et les morceaux consacrés à la relation amoureuse de son auteur avec l’actrice Carrie Snodgress, Harvest se révèle un disque souvent doux, presque moelleux, à une époque où ce son, incarné par des musiciens comme Carole King, James Taylor ou Linda Ronstadt (ces deux derniers sont d’ailleurs présents aux chœurs), règne sur les radios américaines. C’est un album davantage apollinien que dionysiaque.
S’agissant de Neil Young, cette distinction a notamment été faite par Richard Meltzer, l’un des pionniers d’une critique rock philosophique. Selon lui, Buffalo Springfield, le premier groupe du Canadien, était dionysiaque quand les stars du folk-rock de l’époque, les Byrds, étaient apolliniens : « Le dionysiaque est ivre, s’effondre au sol, est tout en chair ; l’apollinien est éthéré, c’est la musique des sphères. » Des concepts qu’il emprunte à l’un des premiers livres de Friedrich Nietzsche, L’Origine de la tragédie dans la musique (1872), où le philosophe allemand sépare, en matière d’art, « l’esprit apollinien et l’instinct dionysiaque ». Le dieu Apollon figure le rêve, la contemplation, l’aspiration à la perfection et à l’éternité ; le dieu Dionysos l’ivresse, l’excès, la métamorphose permanente, la libération des forces de la nature. Dans la tragédie grecque, estime Nietzsche, le dialogue est apollinien, le chœur dionysiaque ; la peinture est plutôt apollinienne ; la musique plutôt dionysiaque :
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