“Le Consentement” : qui nous dit maux
Adaptée du roman de Vanessa Springora, cette pièce mise en musique par Sébastien Davis et interprétée par Ludivine Sagnier démonte les mécanismes de l’emprise pour redevenir sujet de sa propre histoire.
« Prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. » De ce projet salvateur Vanessa Springora a fait la matière de son livre, Le Consentement. Dans cette autobiographie parue en 2020, le prédateur, c’est G., alias Gabriel Matzneff. L’écrivain a eu des relations sexuelles avec elle, alors âgée de 14 ans et lui de 49. Ce récit incisif, qui détaille l’emprise qu’il a exercée sur elle mais aussi l’aveuglement criminel de tout un milieu (ses parents, le monde artistique et politique), offre au metteur en scène Sébastien Davis le ressort d’une courte pièce mise en musique. Elle est portée par la présence sensible de Ludivine Sagnier, accompagnée d’un batteur qui scande son monologue. Sur scène, elle passe d’une table d’écriture à un lit laqué noir. Ces rares éléments de décor se détachent sur le voile tendu en fond de scène, derrière lequel l’actrice passe et apparaît soudainement floue, à l’image de ses sentiments confus, du trouble dans l’identité que seule l’écriture – et la scène peut-être ? – parvient à dissiper des années après. « Écrire, c’était redevenir le sujet de ma propre histoire », relève Vanessa Springora. Cette confusion est le propre du consentement, comme le montre la philosophe et psychanalyste Clotilde Leguil. Dans son essai Céder n’est pas consentir (2021), elle précise qu’il n’y a pas de « consentement éclairé », car on ne sait pas a priori quel engagement il recouvre. « La beauté du récit de Vanessa Springora, souligne-t-elle, est de nous plonger dans l’obscurité du consentement pour le sujet lui-même qui a consenti. Il est aussi de nous apporter un éclairage de l’intérieur sur cette distinction entre “céder” et “consentir”. Car ce à quoi elle a consenti n’a aucun rapport avec ce à quoi elle a dû céder. Elle-même assume cette contradiction en s’interrogeant : “Comment admettre qu’on a été abusé quand on ne peut nier avoir été consentant […], quand on a ressenti du désir ?” » Lumineuse, Ludivine Sagnier éclaire cette obscurité et donne corps à ces contradictions.
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