Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Clotilde Leguil. © Samuel Kirszenbaum

Féminisme

Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Clotilde Leguil

Clotilde Leguil publié le 07 mars 2024 4 min

On ne naît pas féministe, on le devient. En tout cas, certaines injustices et autres événements décisifs de la vie, peuvent déclencher une épiphanie très puissante. Dans le cadre de la semaine du 8 mars qui célèbre la Journée internationale des droits des femmes, nous avons demandé à plusieurs philosophes de raconter ce « déclic » à l’origine d’une prise de conscience féministe existentielle et intellectuelle.

Aujourd’hui, nous vous proposons de lire le témoignage de Clotilde Leguil, philosophe et psychanalyste.


 

Ce n’est pas en cherchant à être comme les hommes que Clotilde Leguil est devenue féministe, mais en assumant sa différence. Philosophe et psychanalyste, elle a notamment signé Céder n’est pas consentir. Une approche clinique et politique du consentement (PUF, 2021), qui montre comment faire advenir une parole libératrice, et vient de faire paraître L’Ère du toxique. Essai sur le nouveau malaise dans la civilisation (PUF, 2023). Elle raconte aujourd’hui les dédales d’un éveil graduel au féminisme, qui a cheminé entre les grandes penseuses, les cinéastes, les autrices et ses propres écrits. Elle montre comment cet itinéraire intellectuel s’articule à sa vie personnelle et à celle de sa fille, qui a été harcelée par ses camarades à cause de sa passion pour le football.  

 

« Je suis devenue féministe sans me le formuler clairement à moi-même le jour où je me suis aperçue qu’en philosophie, les femmes n’existaient pas. J’avais bien lu Simone de Beauvoir au lycée. Mais je ne l’avais plus retrouvée ensuite. Absence des voix de femmes, absence de la question féminine elle-même. Aucun nom, aucun texte, aucune œuvre. Non pas qu’il n’y ait pas eu de femmes intellectuelles dans l’histoire, mais jamais au cours de mes études de philosophie, ni à l’École normale supérieure, ni à la Sorbonne, je n’ai eu l’occasion d’étudier la pensée d’une femme ou de voir le devenir femme être un objet véritable de réflexion. La référence à la prêtresse Diotime dans Le Banquet de Platon ne m’a jamais semblée suffisante pour invalider ce constat – celui d’une disparition, d’un effacement, d’un déni peut-être, propre au monde de la pensée, au monde des concepts. Un monde sans elles, sans aucune d’elles. Hiatus entre le réel de l’existence et le monde philosophique ? Ce n’est qu’après l’agrégation que j’ai pu suivre un séminaire sur Hannah Arendt et que je me suis évertuée à étudier l’éthique d’Arendt depuis la référence à la Critique de la faculté de juger (1790) de Kant. Enfin, une femme ! Elles existent donc dans ce monde, elles aussi ?

➤ À lire aussi : “La soumission chimique est le stigmate du renoncement au désir”

Je me suis alors demandé si la philosophie avait peur des femmes, et si peut-être elle n’en parlait pas, car elle ne savait pas en parler – car du point de vue du sujet de l’universel, l’être sexué n’existe pas. Je me suis alors plongée dans les écrits de Geneviève Fraisse, ceux de Michèle Le Dœuff [qui a également relaté pour nous son déclic féministe]. Je cherchais quelque chose, un autre discours. Et je me suis tournée vers un autre champ du savoir, la psychanalyse. J’ai pu faire l’expérience du déchiffrement de la signification jusque-là inconsciente qu’avait pu prendre pour moi la féminité. Je suis devenue féministe en ne cherchant pas à devenir comme les hommes mais en assumant ma différence. Je suis devenue féministe en lisant les psychanalystes féminines, Joan Rivière, Hélène Deutsch, Ella Sharpe, que j’ai découvertes grâce aux séminaires de Jacques Lacan. Je me suis sentie féministe lorsque j’ai écrit mon premier livre Les Amoureuses (Éditions du Seuil, 2009) pour faire une place à la question de l’amour et de la pulsion de mort dans le champ du savoir, à ma façon, en faisant des héroïnes de films des figures à interpréter.

Je me suis sentie encore plus féministe le jour où ma fille alors âgée de 8 ans s’est fait harceler dans la cour par d’autres filles parce qu’elle jouait au foot avec les garçons – eh oui, depuis toute petite, elle adorait shooter dans le ballon ! – et ne passait pas ses journées à se regarder dans le miroir. Je me suis sentie féministe le jour où j’ai lu Le Consentement de Vanessa Springora, et encore plus le jour où un collègue m’a dit : “Bon, elle a écrit Le Consentement, et so what ?” Comme si le monde n’était pas en train de changer – de discours, de perspective, de regard aussi. C’est en tant que femme que j’ai voulu interpréter cet aphorisme, “céder n’est pas consentir”, avec la psychanalyse, et en faire un livre. Car cela comptait vraiment à ce moment de ma vie, alors que j’avais terminé mon analyse et que j’assumais vraiment ma singularité, mon histoire, ma longueur d’onde, de le dire, de l’écrire. Oui, je continue de me sentir féministe lorsque je lis Mémoire de fille (2016) d’Annie Ernaux, lorsque je vois Anatomie d’une chute (2023) de Justine Triet, et je me réjouis que le monde de la philosophie, celui du cinéma, et celui de la psychanalyse, ne puissent plus dorénavant faire sans les femmes. S’éprouver féministe, c’est, dans l’expérience que j’en fais, se sentir concernée intimement par le sort fait aux filles et aux femmes dans la civilisation, par les discours tenus sur elles. J’ai découvert que ceux qui ne savent pas en parler ne savent pas non plus les écouter. J’ai saisi grâce à la psychanalyse et grâce à Lacan, que ceux qui les diffament sont aussi ceux qui ne savent pas, mais pas du tout, les dire-femmes. »

Expresso : les parcours interactifs
L'étincelle du coup de foudre
Le coup de foudre est à la charnière entre le mythe et la réalité. Au fondement du discours amoureux, il est une expérience inaugurale, que l'on aime raconter et sublimer à l'envi.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Bac philo
2 min
La conscience
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

La conscience désigne originellement un savoir partagé (cum : avec et scire : savoir) : c’est une connaissance qui accompagne celui qui pense. On distingue alors la conscience spontanée ou immédiate, tournée vers le monde extérieur, et…


Dialogue
12 min
Chloé Delaume-Clotilde Leguil : désillusionnistes
Cédric Enjalbert 07 juillet 2022

Toutes deux ont fait de la lucidité une curieuse discipline. L’écrivaine Chloé Delaume reprend et métamorphose son histoire tragique de livre en…

Chloé Delaume-Clotilde Leguil : désillusionnistes

Article
9 min
Clotilde Leguil : “Lacan restitue le mystère de ce qui est vu”
La Rédaction 08 février 2024

De l’amour à la vérité en passant par le genre et la lumière, voici des entrées auxquelles la philosophe et psychanalyste Clotilde Leguil a contribué dans le catalogue de l’exposition Lacan, conçue par Marie-Laure Bernadac et Bernard…


Article
3 min
Clotilde Leguil: “Attraper au vol ce qui se produit comme au hasard”
Philippe Nassif 26 mars 2015

Quatre penseurs et praticiens vous dévoilent leur méthode pour se recentrer – ou se démultiplier sans se perdre. Avec Clotilde Leguil, l’attention flottante propre à l’analyse.


Article
11 min
Clotilde Leguil : “Rousseau pense à la fois le ‘nous’ et le ‘je’”
Victorine de Oliveira 29 avril 2021

La pandémie vous angoisse ? Et si, plutôt que d’entrer « en thérapie », vous vous plongiez dans l’œuvre de Rousseau ? Pour la…

Clotilde Leguil : “Rousseau pense à la fois le ‘nous’ et le ‘je’”

Article
5 min
Axelle Jah Njiké : “Je crois en un féminisme qui émancipe de l’intérieur”
Joséphine Robert 02 mai 2022

Axelle Jah Njiké, créatrice du podcast Me, My Sexe and I, prône l’émancipation par l’intime. Journal intime d’une féministe (noire) (Au diable…

Axelle Jah Njiké : “Je crois en un féminisme qui émancipe de l’intérieur”

Le fil
3 min
Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Michèle Le Dœuff
Michèle Le Dœuff 04 mars 2024

On ne naît pas féministe, on le devient. En tout cas, certaines injustices et autres événements décisifs de la vie, peuvent déclencher une épiphanie très…

Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Michèle Le Dœuff

Le fil
2 min
Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Paul. B. Preciado
Paul B. Preciado 05 mars 2024

On ne naît pas féministe, on le devient. En tout cas, certaines injustices et autres événements décisifs de la vie, peuvent déclencher une épiphanie très…

Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Paul. B. Preciado

À Lire aussi
Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Camille Froidevaux-Metterie
Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Camille Froidevaux-Metterie
Par Camille Froidevaux-Metterie
mars 2024
Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe
Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe
mars 2024
Trans contre féministes radicales : la nouvelle fracture
Par Octave Larmagnac-Matheron
juillet 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Le jour où… : les philosophes racontent leur prise de conscience féministe. Clotilde Leguil
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse