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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Éditions Delachaux et Niestlé

Le livre du jour

Le chien, un maître à penser ?

Antony Chanthanakone publié le 18 mars 2022 4 min

Treize années passées en compagnie de Comédie, sa chienne. Audrey Jougla, professeure de philosophie et collaboratrice de Philosophie magazine, invite, dans son livre Montaigne, Kant et mon chien. Petite philosophie canine (Delachaux et Niestlé, 2022), à reconsidérer la compagnie du chien. Peut-on parler d’expérience philosophique radicale ? Pour l’autrice en tout cas, un chien apporte un supplément d’âme qui va au-delà de nos attentes, relevant même du « tour de force » : « Ce que le chien vous enseigne passe inaperçu, de sorte que vous ignorez même ce que vous apprenez grâce à lui. » À travers ce récit ancré, incarné voire intime, le chien se révèle bien plus que le meilleur ami de l’homme : il est aussi le meilleur compagnon de sagesse qu’un être humain puisse avoir. Un livre à la fois profond et léger.

La routine et l’expérience d’un autre temps

Comme tous les chiens, Comédie aime les habitudes, qui sont comme autant de rites : les siennes (réveil, repas, balades) mais aussi celles du maître. En cela, la présence d’un chien invite à reconsidérer le temps de façon plus mature, selon Audrey Jougla : « Bien qu’il ne s’agisse pas encore des horaires et des gardes liés à un enfant, un chien vous fait basculer dans un monde adulte, où le temps ne s’étale plus devant vous de manière infinie et inconsidérée. »

Si la routine a quelque peu mauvaise presse aujourd’hui, elle se vit pourtant joyeusement au contact d’un chien. L’autrice rappelle ces mots de Kierkegaard : « Celui qui ne comprend pas que la vie est répétition, et qu’elle représente la beauté même de la vie, ne mérite pas mieux que le sort qui l’attend, c’est-à-dire périr » (La Répétition, 1843). La répétition est la condition d’une vie plus intense et vraie : « Qui n’aura pas accompli cette démarche avant de commencer à vivre, ne parviendra jamais à vivre ; celui qui en fit le tour mais s’en est trouvé repu, était doté d’une mauvaise constitution. En revanche, celui qui a choisi la répétition vit vraiment. » Dans une époque d’accélération généralisée, cette expérience canine nous permet d’appréhender un autre temps… peut-être plus calme, sans être figé.

La renaissance du toucher

Le chien apporte une présence au quotidien. Il est là à chaque instant et son existence est rappelée par un contact physique quasi permanent : « Pour lui dire bonjour, pour lui témoigner notre affection silencieuse, caresser [Comédie] devient un réflexe. Des caresses sur sa tête, répétées, répétitives, occupent spontanément l’une des mains lorsque je lis, lorsque je mange aussi, ou lorsque je suis à mon bureau. Le geste s’ancre comme une habitude dans mon corps. » Alors que le toucher était considéré comme « barbare » (« Primitif, bestial, impudique : le toucher reste animal, opposé à la civilisation », juge Jougla), grâce à Comédie, « le toucher [a] fait un grand retour dans [s]a vie ». La main est sans cesse sollicitée et permet un contact direct avec le réel : « La vie avec ma chienne m’a appris justement à toucher les choses et toucher le réel autrement. » Ce rapport aux choses se fait de façon plus « immédiate et univoque ».

La main que l’on utilise pour caresser un chien était utilisée métaphoriquement par les stoïciens pour se représenter la conscience. Cicéron le raconte dans Les Académiques (45 av. J.-C.) : « Mis à part le sage, […] personne ne sait quoi que ce soit ; et cela, Zénon le montrait par un geste. Il montrait sa main ouverte, les doigts étendus : c’est là la représentation, disait-il ; puis il repliait un peu les doigts : c’est là l’assentiment ; ensuite, quand il avait complètement fermé la main et qu’il montrait le poing serré, il déclarait que c’était là la compréhension. Enfin, il approchait la main gauche du poing fermé et il le serrait étroitement et avec force : il disait que c’était là la science, que personne ne possède sauf le sage. » Que notre main soit sollicitée en permanence, agit comme une réminiscence de cette sagesse antique, qui lie la paume et l’âme.

La sagesse de la mort, ou la vie comme un prêt

Comédie et Audrey Jougla ont passé un peu plus de treize ans côte à côte. Ensemble, elles ont traversé bien des étapes de la vie : l’amitié, l’amour, la maladie, le divorce, les déménagements. À chaque moment, la chienne s’est révélée être un pilier indispensable. Raison pour laquelle la disparition d’un chien est particulièrement douloureuse, bien qu’elle fasse partie d’une sorte de contrat tacite, les chiens connaissant une vie plus courte que les humains : « On ne dit pas assez l’ampleur du gouffre qui s’ouvre sous nos pieds lorsque notre chien nous laisse et lorsqu’il referme pour toujours ses grands yeux pleins d’amour […] Cet amour inconditionnel a un prix, celui que l’on appelle l’art de perdre. »

L’essayiste, qui est également professeure de philosophie au lycée, raconte son désarroi d’enseigner les préceptes d’Épictète sur le fait que « la mort n’est rien » et du conseil qu’il faut « traiter les objets comme s’ils nous avaient été prêtés. » Pourtant, la grande leçon est là : rien n’est acquis dans le monde, même la vie. Épictète invitait à reconsidérer l’idée de propriété afin de se détacher du monde. « Ne dis jamais à propos d’une chose “Je l’ai perdue”, mais : “Je l’ai rendue”. » Qu’imaginer après la perte ? Peut-être une forme d’acceptation de sa propre mort à soi. « Parce que maintenant, je t’ai montré, tu sais », imagine-t-elle sa chienne lui dire avant de la quitter. Un savoir que seule la disparition de l’animal aura permis de faire naître.

 

Montaigne, Kant et mon chien. Petite philosophie canine, d’Audrey Jougla, vient de paraître aux Éditions Delachaux et Niestlé. 128 p., 12,90€, disponible ici.

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