Laurence Devillers : “En jouant sur vos émotions, le ‘chatbot’ peut vous inciter à agir dans telle ou telle direction”
Quelles questions éthiques posent les robots de conversations ? Cette interrogation est au cœur du dernier rapport du Comité consultatif national d’éthique. Éclairage avec l’une des cosignataires du document, Laurence Devillers, experte en intelligence artificielle et autrice du livre Les Robots émotionnels : santé, surveillance, sexualité (L’Observatoire, 2020).
Pouvez-nous nous expliquer ce qu’est un agent conversationnel ?
Laurence Devillers : Agent conversationnel, chatbot, robot social… Ces différents noms désignent tous des programmes informatiques capables de dialoguer avec un utilisateur en langage « naturel », soit écrit, soit oral. Ils utilisent des modules d’intelligence artificielle et peuvent avoir différents supports, de la plateforme numérique au robot. La plupart d’entre eux – ceux qui répondent à vos questions sur les sites des banques ou des assurances – sont pensés pour apporter une aide à l’utilisateur, comme par exemple une information dont celui-ci pourrait avoir besoin. Et la plupart sont, encore aujourd’hui, très peu imaginatifs : ce sont des machines scriptées qui répondent aux questions en fonction d’un arbre de décisions restreint et limité. En général, le côté mécanique saute aux yeux. Mais l’on voit, de plus en plus, se développer des robots de discussion bien plus imaginatifs. Prenez Siri d’Apple, Google Home, ou encore Alexa d’Amazon. Nous parvenons à faire parler ces agents « naturellement ». Depuis 2017, nous assistons à un véritable bond : les réseaux de neurones appelés transformers, entraînés sur des bases d’anthologies statistiques encodant comment apparaissent les mots dans différents documents, permettent un langage beaucoup plus fluide. Cela change évidemment la donne. La machine ne répond plus « bêtement » ; elle recompose un puzzle à partir des mots qu’elle connaît, qu’elle agence de manière linguistiquement crédible à partir de statistiques d’occurrence et d’enchaînement logique des termes dans le vocabulaire, pour fournir une réponse à une situation spécifique. Ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’elle a compris et raisonné. C’est une pensée purement calculante. Mais ces robots donnent l’illusion d’une réponse intelligente.
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