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La déforestation sur les pentes du mont Rainier, dans l’État de Washington (États-Unis). © Maksim Shutov/Unsplash

L’arbre qui cache la forêt

La nature, nouvel opium du peuple ?

Nicolas Gastineau publié le 02 novembre 2021 3 min

« Ces formidables écosystèmes fourmillants – ces cathédrales de la nature – sont les poumons de notre planète. » Voici un extrait des propos que doit tenir Boris Johnson à la tribune de la COP26, qui se déroule actuellement à Glasgow. Si le Premier ministre britannique fait preuve d’un tel lyrisme, c’est qu’est prévue la signature par plus de cent pays (parmi lesquels la Chine, le Brésil et les États-Unis) d’un engagement à enrayer la déforestation à l’horizon 2030.

Que signifie au juste ce recours à la métaphore religieuse ? Pourquoi avoir besoin de faire de la forêt « une cathédrale » pour encourager à sa protection ? Explications (critiques) avec Karl Marx.

 

  • Boris Johnson renoue avec une vieille analogie qui a eu beaucoup de succès dans la poésie romantique au XIXe siècle, celle des forêts comme « premiers temples de la Divinité » chez Chateaubriand, ou si l’on préfère le dire avec Baudelaire, comme d’« un temple » avec ses « vivants piliers ». Le Premier ministre britannique se joint indirectement à cette tradition en pleine COP26 : l’idée d’une forêt-cathédrale incite de nouveau les humains à adopter une attitude religieuse vis-à-vis de la nature. Elle fait jouer l’idée de la forêt comme un sanctuaire, c’est-à-dire un lieu inviolable, qu’il faudrait traiter avec déférence, vénération même. Autrement dit, Boris Johnson entend ici traiter le problème matériel de la déforestation, qui engage des intérêts économiques, par le passage au plan spirituel, en colorant les arbres et la forêt d’une aura de sacré.
  • Passer par le Ciel pour rendre raison de la terre, c’est bien le reproche que fait Karl Marx à la tradition idéaliste qui l’a précédé. Dans L’Idéologie allemande (1845), il n’a pas de mots assez durs pour les « sornettes idéalistes » de ses prédécesseurs, qui veulent lire l’histoire comme la marche d’une idée ou d’un esprit. « À l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. » Pour Marx, c’est le monde matériel dans lequel l’individu est immanquablement immergé qui le détermine et forme ses pensées. Aussi, ce plan supérieur des idées, ce « ciel » dont la religion est la plus populaire expression, n’est pas un espace autonome ou privilégié, il n’est que le jouet et le reflet des conditions matérielles d’ici-bas : « On ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des hommes dans leur activité réelle ». Bref, dans la perspective de Marx, pour sauver la forêt, il est inutile d’essayer d’en faire un nouveau dieu ; il faut se pencher sur les conditions matérielles de la déforestation, là où sont les intérêts économiques de ceux qui l’organisent et des industries qui en jouissent.
  • D’ailleurs, ce recours au religieux n’est selon lui pas qu’une simple erreur ; plutôt une grave tromperie. Dans la célèbre introduction qu’il écrit pour sa Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843), il estime que « la religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple ». Autrement dit, la religion est une illusion opportunément entretenue pour dissimuler les causes matérielles, économiques et non naturelles, de la misère du peuple. Ce nuage de fumée, qui dissimule les souffrances derrière des « cancans littéraires », doit être dissipé pour que les souffrances cessent d’être justifiées et apparaissent dans leur insupportable cruauté. « Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions. »
  • Dans le cas des forêts, discourir de la forêt-cathédrale, c’est produire de l’illusion à l’endroit d’une nature fantasmée, faute de mettre en œuvre les moyens matériels de la sauver. Pour l’anecdote, Marx écrit d’ailleurs, afin de tourner en ridicule des philosophes romantiques de son époque qui voyaient l’âme allemande dans les forêts : « Le proverbe ne dit-il pas : la forêt ne renvoie jamais en écho que ce qu’on lui a crié ? » Sauver les forêts, oui – mais sans les idéaliser ?
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