La natalité, une question politique ?
Lancer un « réarmement démographique » contre la baisse record de la natalité : c’était l’une des grandes annonces du président Macron lors de sa conférence de presse. Mais la natalité regarde-t-elle vraiment l’État ? Éclairage avec Rousseau et Foucault.
La population est-elle une question politique ? C’est une évidence, à lire l’un des premiers grands penseurs modernes du politique, Jean Bodin (v.1530-1596) : « Il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, vu qu’il n’y a richesse ni force que d’hommes » (Les Six Livres de la République, V). La population est la source première de l’existence et de la puissance de l’État. Elle constitue en particulier le fondement de toute prospérité économique et peut aussi bien servir d’un point de vue militaire.
Se met alors en place, à l’âge classique, un ensemble de stratégies politiques pour favoriser la démographie, comme l’explique Michel Foucault dans Sécurité, Territoire, Population (1985).
“Que la population soit ainsi à la base et de la richesse et de la puissance de l’État, ceci ne peut se faire, bien sûr, qu’à la condition qu’elle soit encadrée par tout un appareil réglementaire qui va empêcher l’émigration, appeler les immigrants, favoriser la natalité, un appareil réglementaire aussi qui va définir quelles sont les productions utiles et exportables, qui va fixer encore les objets à produire, les moyens de les produire, les salaires aussi, qui va interdire encore l’oisiveté et le vagabondage”
Michel Foucault, op. cit.
La natalité constitue, dans cet ensemble, un objectif en soi.
Natalité = prospérité ?
Toutefois, les choses se transforment à l’époque des Lumières. Dans une certaine mesure, elles se renversent. La croissance démographique n’est plus considérée comme la cause de la prospérité (et source de puissance dont l’État doit faire son objectif), elle est bien plutôt l’effet ou le signe d’une société prospère et bien gouvernée. Cet horizon est libéral, au sens où le bonheur des individus devient un élément déterminant de l’équation : les gens font des enfants quand ils sont heureux, et il faut donc favoriser leur bien-être. Du moins, même si les gens font parfois moins d’enfants dans une société développée, ces enfants ont de bien meilleures chances de survivre et d’augmenter la population globale.
Le progrès technique, l’augmentation de la productivité et l’amélioration des conditions de vie excèdent les effets négatifs liés à une baisse potentielle de la population : dans une société portée par le progrès, une natalité moins importante peut aller de pair avec une démographie croissante – là où une forte natalité peut aller avec une faible démographie, lorsque les conditions de vie sont précaires. L’angoisse existentielle de la désertification, de la disparition des sociétés, s’étiole à la faveur du développement des sociétés. La croissance démographique n’est donc pas recherchée pour elle-même comme une fin proprement politique. Même Burke (1729-1797), un anti-Lumières, le dira : « Parmi les critériums qui permettent de juger des effets d’une forme de gouvernement, j’estime que l’état de la population n’est pas le moins sûr » (Réflexions sur la Révolution de France, 1790).
“Si elle n’est pas freinée, la population s’accroît en progression géométrique”, écrivait Malthus dans son “Essai sur le principe des populations”…
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