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Entretien

La mort est-elle intolérable quand elle a des poils ?

Étienne Bimbenet, propos recueillis par Jennifer Murzeau publié le 12 novembre 2020 3 min

Au début du mois, un supermarché du sud de la France déclenchait une vague d’indignation au sein de sa clientèle et sur les réseaux sociaux. En cause, des lièvres et des faisans entiers, avec fourrure et plumes, emballés dans des barquettes sous film plastique. Certains y ont vu une provocation en faveur des chasseurs, d’autres un spectacle insupportable. Ces petits cadavres ont en tout cas révélé toute l’ambiguïté de notre rapport aux animaux. Nous avons demandé au philosophe Étienne Bimbenet, auteur notamment de L’Animal que je ne suis plus (Gallimard, coll. Folio Essais, 2011), de nous éclairer.

 

Est-ce le tabou de la mort qui est en cause dans cette vague d’émotion et d’indignation ?

Étienne Bimbenet : Oui, on a clairement affaire à une mise en présence, à une visibilisation de la mort. Et celle-ci va contre un certain déni, une façon de ne pas vouloir voir en face la maltraitance ou la mise à mort des animaux. On parle, à propos de notre rapport aux animaux, de « schizophrénie morale ». Il y a les animaux vivants, ceux qu’on regarde en face, qu’on considère et qu’on respecte. Et il y a la viande traitée, conditionnée et emballée pour être mangée : un tout autre univers. D’un côté, le petit cochon des livres d’enfants ; de l’autre, la viande de porc. 

 

L’industrialisation de l’élevage s’est accompagnée d’une invisibilisation des animaux et de leur sort. Les réactions outrées révèlent-elles que nous tenons à notre aveuglement ?

Oui, je pense que nous nous sommes tous plus ou moins accoutumés, par une longue imprégnation culturelle, à regarder ailleurs, à compartimenter notre rapport aux animaux. Cela me fait penser au fameux lapin-canard de Jastrow. La même figure peut se voir soit comme un lapin, soit comme un canard. Or ce que souligne Wittgenstein, c’est qu’il n’y a pas d’entre-deux : c’est soit l’un, soit l’autre, alternativement. Eh bien là, dans ce supermarché, on est au milieu. On est mis en face de corps presque vivants, presque palpitants, mais présentés comme de la viande sous plastique, prête à être consommée. C’est d’autant plus intéressant qu’on a peu l’habitude, il faut bien le dire, de présenter ainsi le gibier. C’est presque le plus frappant : une part de nature libre et sauvage, mais conditionnée industriellement. C’est donc un dispositif étonnamment efficace, presque « pédagogique », qui nous rappelle que derrière la viande, des animaux bien vivants ont été mis à mort. Je ne pense pas que c’était l’intention des supermarchés Leclerc (qui pensaient sans doute davantage aux amateurs de gibier), mais par un étrange retournement des choses, on a affaire à un exercice de lucidité, digne d’une performance militante ou d’un happening animaliste. 

 

Il existe une mise à distance du monde animal. On voit rarement les animaux qu’on mange, les citadins voient très peu d’animaux à l’exception de ceux qui sont domestiqués. Comment percevez-vous l’évolution de notre rapport à l’animal ?

Il est vrai que le fermier par exemple, qui nomme, caresse, et en même temps met à mort ses bêtes, est dans une lucidité qui échappe à la plupart des gens. Cependant, la condition animale avance, grâce notamment aux associations qui donnent à voir leur souffrance, comme L214. Et les gens consomment moins de viande, sont de plus en plus « flexitariens », parce qu’ils savent qu’ils ont bien des raisons de l’être : soit éthiques, soit écologiques, soit même pour leur propre santé. Cela fait beaucoup ! Et cela fait avancer les choses. Le problème, c’est que cela avance à l’échelle des pays occidentaux – et qu’entretemps on a importé, en Chine par exemple, un mode de vie carnivore qui cause beaucoup de dégâts.

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