Jusqu’où aller trop loin ?
La liberté illimitée n’est qu’une vue de l’esprit, car nul ne vit seul sur une île, et chacun doit composer avec les autres. Mais comment tracer la frontière : en respectant une règle abstraite ou en négociant pied à pied ?
En apparence, nous savons tracer les limites de notre liberté. On nous l’a enseigné lorsque nous étions enfants, sous la forme d’un dicton : « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres. » Nous savons donc que la liberté absolue n’existe pas – celle qui nous permettrait, par exemple, de remonter à moto les autoroutes à contresens pour s’amuser à slalomer entre les voitures ou de faire brûler des pinèdes pour le plaisir d’assister à de grands brasiers nocturnes. Cependant, la phrase n’est pas aussi claire qu’il y paraît, car elle laisse un point dans l’ombre : devons-nous nous réfréner dans nos envies, nos fantaisies, nos actions, là où commence la liberté théorique des autres ou bien leur liberté effective ? Ce n’est pas une simple affaire de mots, la réponse à cette question est lourde de conséquences, et un exemple l’illustrera.
Admettons qu’il soit 23 heures, que je sois chez moi et que j’aie envie d’écouter de la musique à plein volume. Si je considère que ma liberté s’arrête par principe là où commence celle de mon voisin, je n’augmenterai pas le son – et cela, même si mon voisin est absent, parti en vacances et que je sais que je ne dérangerai personne. C’est ce que préconise Emmanuel Kant dans son opuscule Théorie et Pratique (1793), qui reformule le dicton en des termes plus philosophiques : « Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord à la liberté de tous en tant que celle-ci est possible selon une loi universelle. » Le terme important de la phrase est « condition » : le périmètre de l’autre, je le respecte par principe, sans égard à la situation concrète dans laquelle nous nous trouvons lui et moi, je n’enfreins donc jamais le territoire de sa liberté, et ainsi je suis certain de ne pas commettre d’impair. Une telle éthique est exigeante, restrictive, cependant, elle a certains avantages : elle évite toute immixtion dans la vie d’autrui ; et par ailleurs, la frontière est absolue et non négociable, sa netteté quasi géométrique me protège autant qu’elle me contraint. Néanmoins, ce n’est pas tout à fait ce que l’on entend ordinairement avec la formule proverbiale : « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres », et cet énoncé relève d’une sagesse pratique qui autorise bien des bricolages.
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