Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

©Jérôme Sessini/Magnum photos

Dossier/Ma liberté est-elle négociable ?

“Ne pas nuire à autrui !” Quand John Stuart Mill borne la liberté

Martin Legros publié le 28 octobre 2021 10 min

Au XIXe siècle, ce philosophe révolutionne le sens que l’on donne à la liberté… en lui fixant une limite : chacun peut faire tout ce qu’il veut à condition de ne pas nuire à autrui. Une éthique minimale, comme le prétendent certains libéraux et autres réfractaires à tout contrôle ? En réalité, pour Mill, la liberté n’est pas une « propriété » de l’individu mais une invitation à renforcer nos liens.

 

« À la mémoire chérie et regrettée de celle qui fut l’inspiratrice et en partie l’auteur regrettée du meilleur de mes écrits – à mon amie et à ma femme, dont la passion du vrai et du juste fut mon plus vif encouragement et l’approbation ma principale récompense –, je dédie ce livre. Comme tout ce que j’ai écrit depuis de nombreuses années, il lui appartient autant qu’à moi. » C’est par cette dédicace que s’ouvre On Liberty (De la liberté) de John Stuart Mill, publié en 1859. Et c’est avec une clarté inégalée qu’il pose le sens de la liberté des Modernes. La femme dont il est question ici est Harriet Taylor, rencontrée trente ans plus tôt, alors qu’elle était mariée et enceinte, et avec qui Mill a vécu une aventure sentimentale et intellectuelle hors du commun (lire l’encadré ci-dessous). Ainsi, quand le philosophe s’apprête à définir l’indépendance attachée aux individus modernes, une indépendance « de droit, absolue » fondée sur ce qu’il appelle le principe de « non-nuisance à autrui », il avertit que cette reformulation de l’idée de la liberté… ne lui appartient pas. Elle est le « produit » du « partage de pensées » qu’il a entretenu avec la femme de sa vie, de sorte qu’il lui est « impossible d’affirmer que ceci appartient à l’un ou à l’autre ». Pour celui que la postérité présente comme un libéral défenseur de la « propriété de soi », la liberté est le produit de l’échange et de la mutualité, plutôt que de la fermeture sur soi des individus.

C’est pourtant à cette vision libérale, restrictive, de la liberté fondée sur un principe formel de limitation réciproque que le nom de John Stuart Mill est associé. Au départ de la démarche de ce génie précoce dont l’éducation a été confiée par son père à l’utilitariste Jeremy Bentham, il y a en effet l’idée d’établir des limites, de fixer des bornes dans un esprit de pragmatisme. Au lendemain de la Révolution française, qui a montré comment la souveraineté populaire pouvait se retourner en despotisme, Mill estime qu’il est temps de revenir de l’illusion selon laquelle « les peuples n’ont pas besoin de limiter leur pouvoir sur eux-mêmes ». Contre les nouvelles formes de tyrannie – de la majorité, de l’opinion –, il lui faut trouver un « principe simple », qui permette de fixer « la limite à l’ingérence légitime de l’opinion collective dans l’indépendance individuelle ». Ce principe, Mill le formule dès l’ouverture de son essai : « La seule raison légitime, que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. » Fini l’invocation de grandes valeurs : avec l’affirmation du principe de « non-nuisance », on renonce à asseoir la liberté sur une définition de la vie bonne, de la sagesse ou de la justice, car on a découvert que cette ambition – rendre les individus meilleurs – est contradictoire avec l’exercice même de la liberté, qui con­siste pour chacun à gouverner sa vie. Se référant au critère de l’utilité, Mill lui donne une portée éthique : « Se fonder sur les intérêts de l’homme en tant qu’être susceptible de progrès. » Il s’agit de pouvoir « tracer le plan de notre vie suivant notre caractère, d’agir à notre guise et de risquer les conséquences qui en résulteront, sans en être empêché par nos semblables tant que nous ne leur nuisons pas, même s’ils trouvaient notre conduite insensée, perverse ou mauvaise ». Peut-être qu’ainsi livrés à nous-mêmes, nous nous tromperons et gâcherons nos talents. C’est le risque à courir : « Ce qui importe réellement, ce n’est pas seulement ce que font les hommes, mais le genre d’homme qu’ils sont en le faisant. » Soucieux de lever les barrières psychologiques et morales qui empêchent l’individu de prendre le risque de la liberté, Mill va jusqu’à remettre en question l’idée qu’il aurait « des devoirs envers [lui]-même » dont il serait « responsable devant ses semblables ». Mais son argument central est que toute contrainte, même lorsqu’elle se pare des oripeaux de la vertu, encourt le risque du paternalisme. « Con­traindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’ab­stenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. »

Expresso : les parcours interactifs
Popper et la science
Avec Popper, apprenez à distinguer théorie scientifique et pseudo-sciences, pour mieux débusquer les charlatans et (enfin) clouer le bec à ce beau-frère complotiste !
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
2 min
Conférence de Martin Legros au Théâtre de l’Œuvre à Marseille le 20 octobre
03 octobre 2023

Gagnez des places pour deux conférences au Théâtre de l’Œuvre à Marseille le 20 octobre à 20H : « Machiavel en Ukraine » et «…

Conférence de Martin Legros au Théâtre de l’Œuvre à Marseille le 20 octobre

Bac philo
2 min
La liberté
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

La liberté est d’abord une notion métaphysique : l’homme est-il libre ou déterminé par des contraintes qu’il ne maîtrise pas ? S’il est la cause première de ses choix, on dit qu’il possède un libre arbitre. Mais un tel pouvoir est…


Article
4 min
La vérité, arme secrète de la démocratie ?
Frédéric Manzini 05 avril 2022

Chacun s’accorde à admettre que l’exercice du jugement politique a besoin d’informations objectives et vraies pour pouvoir bien s’exercer. Mais,…

La vérité, arme secrète de la démocratie ?

Article
6 min
Stuart Russell : “Les armes autonomes sont la pire des menaces”
Sven Ortoli 27 mars 2019

Stuart Russell est l’une des plus grandes figures morales et scientifiques dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il est aussi à l…

Stuart Russell : “Les armes autonomes sont la pire des menaces”

Bac philo
4 min
Corrigés du bac philo – filière technologique : “La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?”
Frédéric Manzini 15 juin 2022

Lorsqu’on obéit, par définition, on se soumet. À première vue, la liberté suppose donc l’absence d’obéissance. Mais cette définition de la liberté…

Corrigés du bac philo – filière technologique : “La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?”

Bac philo
2 min
Le devoir
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Que dois-je faire ? Cette question introduit à la morale et au droit. Le devoir désigne l’obligation à l’égard de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il se réfère au Bien (morale) ou à la Loi (droit), suppose une règle et s’adresse à…


Article
Retrouvez Martin Legros au Bal Blomet le 4 octobre 2022
15 septembre 2022

Gagnez des places pour la 1ère séance consacrée à Platon, le mardi 4 octobre 2022 à 20h, de la Petite histoire de la philosophie en sept…

Retrouvez Martin Legros au Bal Blomet le 4 octobre 2022

Article
1 min
Une petite histoire de la philosophie: “Rousseau et la différence entre l’homme et l’animal”
12 janvier 2023

Martin Legros consacrera sa séance à « Rousseau et la différence entre l’homme et l’animal ».

Irrelohe (Feu follet)

Article issu du dossier "Ma liberté est-elle négociable ?" octobre 2021 Voir le dossier
À Lire aussi
Corrigés du bac philo – filière technologique : “Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ?”
Corrigés du bac philo – filière technologique : “Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ?”
Par Aïda N’Diaye
juin 2022
“Pass sanitaire” : vers la fin de l’État providence ?
“Pass sanitaire” : vers la fin de l’État providence ?
Par Charles Perragin
mars 2021
Les sens philosophiques du mot “liberté” à l’aune de la crise sanitaire
Les sens philosophiques du mot “liberté” à l’aune de la crise sanitaire
Par Clara Degiovanni
août 2021
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. “Ne pas nuire à autrui !” Quand John Stuart Mill borne la liberté
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse