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Des bougies à l’effigie de Joe Biden, en vente dans une librairie de Rehoboth Beach, Delaware (USA), le 2 janvier 2021. © Mark Makela/Getty Images/AFP

Analyse

Joe Biden doit-il rendre l’Amérique “boring again” ? 

Jean-Marie Pottier publié le 04 janvier 2021 4 min

Et dire qu’il y a quelques années, l’Amérique se plaignait de vivre des campagnes présidentielles ennuyeuses... Le 3 novembre, au terme d’un scrutin hautement polarisé, ce sont près de deux tiers de ses électeurs qui se sont rendus aux urnes, du jamais-vu depuis près d’un siècle. Mais sur ces près de 160 millions d’électeurs, une partie, paradoxalement, était sans doute extrêmement motivée par l’idée d’une vie politique plus ennuyeuse, après quatre ans d’une présidence scandée de tweets en rafale, d’un défilé de conseillers et de débats polarisés comme jamais. Avec le risque que ce Make America Boring Again conduise à un retour de balancier néocentriste et technicien, à une apathie démocratique qui ne ferait que creuser davantage les failles qui avaient conduit à l’émergence de Trump ?

 

  • Le désir d’ennui a régulièrement ponctué la dernière campagne électorale. En août, un ancien cadre de l’administration Obama confiait anonymement au New Yorker que l’Amérique « avait seulement un putain de besoin de se détendre et d’avoir un président ennuyeux. » « Donald Trump avait promis au pays un tour en grand huit, et il a fait encore plus fort. Cette semaine, les électeurs ont choisi un homme politique à l’ancienne qui a promis de les laisser tranquilles », clamait le magazine spécialisé Politico juste après l’élection de Joe Biden. Quelques jours plus tard, The Atlantic affirmait que les premières pistes de nomination au sein du cabinet Biden ramenaient l’électeur avant 2016, « avant que vous ne développiez ce tic nerveux qui vous conduit à vous arracher les cheveux par poignées à chaque fois que votre téléphone vibre au son d’une alerte. »
  • Joe Biden a d’ailleurs joué la carte du président « normal », par exemple dans ses clips de campagne : « Vous vous rappelez quand vous n’aviez pas à penser au président tous les jours, et quand, à la place, il y avait quelqu’un dans ce bureau qui pensait à vous ? » De même que Trump, qui a sans doute marqué un but contre son camp en clamant que « Sleepy Joe » (« Joe l’endormi ») était l’être humain le plus barbant qu’il ait jamais vu et rendrait la politique tout aussi barbante s’il était élu à sa place. Sans comprendre qu’une partie des Américains y aspiraient peut-être, eux qui clamaient à 77% être « stressés à propos du futur du pays », selon une enquête de l’Association américaine des psychologues.
  • Derrière ces éloges ou ces critiques de l’ennui se cachent des débats récurrents, et passionnants, de philosophie et de science politique. Ceux qui réclament un retour à l’ennui semblent par exemple insister sur la démocratie comme triomphe de la liberté des Modernes (la jouissance de la sphère privée, hors de l’interférence de la politique) plus que celle des Anciens (la participation constante à la direction de la société). Dans cette perspective, quelqu’un comme l’éditorialiste mi-conservateur mi-libertarien Andrew Sullivan estimait, très vite après l’élection de Trump, que ce dernier avait abîmé la démocratie en mettant les Américains en état d’alerte politique constante : « Une société libre signifie être libre vis-à-vis de ceux qui vous dirigent. Libre de faire ce qui vous intéresse, de vos passions, de vos amours, d’exulter dans cet espace béni où la politique n’intervient pas. »
  • Cette préférence accordée à la liberté privée sur la liberté comme participation porte elle aussi un risque, celui de l’apathie démocratique. Un danger notamment théorisé par Alexis de Tocqueville dans le deuxième tome de sa Démocratie en Amérique (1840) : lui qui admirait notamment la capacité des Américains à s’organiser en une myriade d’associations craignait que l’égalitarisme démocratique ne les réduise à une masse d’individus, ne les fasse céder à cette impulsion de l’homme qui, « après s’être [...] créé une petite société à son usage, [...] abandonne volontiers la grande société à elle-même. »
  • Un certain degré d’apathie a cependant pu être vu comme utile. Comme participant, au nom de la division du travail démocratique, du bon fonctionnement du système. Dans la conclusion d’un livre publié en 1954, Voting. A Study of Opinion Formation in a Presidential Campaign, les sociologues Bernard Berelson, Paul Lazarsfeld et William McPhee distinguaient ainsi deux types idéaux de citoyens démocratiques, le citoyen « sociable » (« indifférent aux affaires publiques, non partisan, flexible ») et le citoyen « idéologue » (« absorbé par les affaires publiques, hautement partisan, rigide »). Ils supposaient qu’une société fonctionnait d’autant mieux que les citoyens se répartissaient équitablement entre ces deux pôles, avec une majorité dans l’entre-deux, ni passifs ni sur-investis. Qui ne considèrent pas qu’une élection ne change rien mais qui ne cèdent pas non plus à ce qu’on appelle le « totalisme politique », la conviction existentielle qu’elles mettent tout en jeu.
  • « Le segment apathique de l’Amérique a probablement contribué à faire tenir le système, a amorti le choc des désaccords, des ajustements et du changement. Mais cela ne veut pas dire qu’il peut supporter une apathie sans fin », prédisaient-ils cependant. On aura reconnu dans cet avertissement l’une des voies étroites qu’aura à emprunter la présidence Biden. Du côté de certains pro-Trump comme de la gauche, on a en effet déjà pu lire des mises en garde sur le risque d’une « restauration technocratique » au seul profit des « classes compétentes », d’un « retour à la “normale” désastreux », quand la présidence Trump a au moins eu comme effet positif un rebond de l’engagement civique, la multiplication des manifestations et la floraison de collectifs. L’une de ces voix, Robert Reich, n’est pas le plus mal placé pour s’inquiéter : il était secrétaire au Travail de Bill Clinton au milieu des années 1990, à l’heure de gloire de la troisième voie et de la « triangulation », quand moins d’un Américain sur deux prenait la peine de se déplacer pour choisir son président. Quand l’Amérique prospère s’ennuyait sans voir venir à l’horizon les ennuis.
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