James Suzman, bourreau de travail
Du monde des Bushmen chasseurs-cueilleurs à celui des Gafam, l'anthropologue britannique tente de redonner du sens à notre (dur) labeur dans son livre Travailler (Flammarion), qui promet de faire date.
Du biface de l’Homo erectus il y a sept cent cinquante mille ans aux algorithmes des intelligences artificielles dans les mégapoles d’aujourd’hui, en passant par les chasseurs-cueilleurs, les premiers agriculteurs, les esclaves de la Rome antique, les mineurs du XIXe siècle et les ouvriers à la chaîne des usines Ford du XXe siècle : quand l’anthropologue britannique James Suzman s’intéresse au travail, il embrasse toute l’humanité, cette espèce « têtue » qui « trouve satisfaction à donner un travail à faire à [ses] mains oisives et [son] esprit agité ». En ce sens, travailler, c’est « dépenser intentionnellement de l’énergie sur une tâche afin de parvenir à un but », lequel n’est pas qu’utilitaire.
Cette définition élargie du travail provient d’une vision de très longue durée, nourrie d’archéologie, de biologie évolutive autant que des penseurs modernes de l’économie. Elle fait toute l’originalité de cet ouvrage qui se lit comme une grande épopée et redonne leur profondeur aux incertitudes auxquelles un avenir automatisé confronte aujourd’hui notre relation au travail et à l’emploi.
Suzman pose quatre jalons décisifs dans l’histoire, qui ont à voir avec ce qu’on appellerait aujourd’hui notre empreinte énergétique. Il s’agit de la découverte de nouvelles sources d’énergie ou de nouveaux modes de dépense et de distribution des ressources énergétiques : le feu il y a sans doute un million d’années, l’agriculture il y a quatorze mille ans, la concentration dans les villes depuis environ huit mille ans et les combustibles fossiles qui accompagnent les révolutions industrielles européennes à partir du XVIIIe siècle.
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