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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Lusail (Qatar), le 18 décembre 2022. Emmanuel Macron avec le joueur de l’équipe de France Kylian Mbappé après la finale de la Coupe du monde de football entre l’Argentine et la France, remportée par l’Argentine. © Friedemann Vogel/EPA/Maxppp

Attitudes

Finale de la Coupe du monde de football : pourquoi Macron n’était pas à sa place

Samuel Lacroix publié le 20 décembre 2022 5 min

L’attitude du président de la République à l’issue de la spectaculaire rencontre entre la France et l’Argentine a été décriée. Pour quelles raisons a-t-on pu trouver son comportement inapproprié ? La réponse se situe quelque part entre la démesure et la duplicité.

 

« Gênant », « malaisant », « indigne », « ridicule », « too much »… Les réactions ont été aussi nombreuses que cinglantes : chacun, membre de l’opposition, éditorialiste ou simple supporter, y est allé de son qualificatif pour fustiger l’attitude d’Emmanuel Macron à l’issue de la finale de la Coupe du monde de football 2022. Il faut dire que le président de la République s’est livré à l’un des numéros de bizarrerie dont il a le secret, et que son effraction sur la pelouse, ses contacts insistants avec le joueur Kylian Mbappé ainsi que son discours dans les vestiaires de l’équipe de France pouvaient difficilement passer inaperçus.

Une proximité excessive

Outre l’irruption de Macron sur la pelouse – le président français ne s’est pas contenté, comme c’est l’usage, de simplement descendre de sa tribune VIP jusque sur le podium de remise des prix – c’est d’abord le comportement vis-à-vis du joueur emblématique de l’équipe de France, Kylian Mbappé, qui a semblé marquer les esprits. Alors que le meilleur buteur de ce mondial était assis dans l’herbe, tout à son abattement, il a eu affaire à un président qui s’est montré intrusif à son endroit : Emmanuel Macron a multiplié les murmures, ébouriffages de cheveux et empoignades puissantes, attrapant Mbappé par le bras, lui tapotant le torse et le dos ou encore serrant sa tête contre lui – et ce alors même que l’attaquant français ne lui adressait un seul regard ni ne pipait mot.

Le chef de l’État a récidivé au moment de la remise des trophées, lorsqu’il a encore enserré longuement le numéro 10 français qui semblait manifestement vouloir s’échapper, et dans les vestiaires de l’équipe de France, où il s’est livré à un étonnant discours devant des joueurs hagards avant d’attraper le sélectionneur Didier Deschamps par la nuque dans un geste pour le moins ardent. Le président a donc imposé une « proxémie », pour reprendre le terme de l’anthropologue américain Edward Hall, une irruption dans l’espace vital de joueurs qui manifestaient par leur langage corporel comme un besoin de se recueillir, une envie de solitude, de tranquillité.

Hybris

Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron « parasite » une finale de Coupe du monde. En 2018, déjà, les Bleus n’avaient pu réellement communier dans la victoire avec leurs supporters, en partie parce que le bus sur le toit duquel ils se trouvaient avait été conduit de façon accélérée par un certain Alexandre Benalla jusqu’à l’Élysée, où le chef de l’État les avait reçus loin du public. Ici encore, on a eu affaire à un président qui a fait preuve d’une certaine ingérence. Car être filmé en tribune ou glissant un mot de sympathie aux joueurs sur le podium, aux yeux de tous, n’est pas la même chose que d’aller au-devant d’eux sur la pelouse ou dans le vestiaire.

L’impression générale est donc celle d’un homme qui n’a pas réellement respecté sa place – à la fois sur le plan strictement professionnel mais aussi interpersonnel ou émotionnel. En s’invitant à des endroits où l’on ne l’attendait pas, il a préféré se mettre dans la lumière, alors qu’une certaine sobriété aurait été de mise. Le philosophe Pierre Zaoui, qui a écrit un livre sur ce motif, insistait déjà sur cette dichotomie entre les deux aspects : lorsque vous êtes discret, détaillait-il, « votre position […], inaperçue, transparente, vous conduit à une expérience nouvelle : le dépôt de vos fantasmes de toute-puissance, d’être indispensable, d’être responsable de tous et de chacun. Se faire subitement discret, c’est abdiquer pour un moment toute volonté de puissance » (La Discrétion. L’art de disparaître, Autrement, 2013). Ce que visiblement, Emmanuel Macron a parfois du mal à faire.

Une déconcertante duplicité

Au final, Macron semble avoir endossé le rôle du sélectionneur à la place du sélectionneur. Sur la pelouse, Didier Deschamps n’était plus le seul homme en costard à aller réconforter les joueurs abattus et, dans les vestiaires, il n’était plus non plus le seul à prononcer un discours post-rencontre. Qui était l’entraîneur ? Qui était le président ? Qui était le supporter ? Le mélange des genres était complet, et s’est retrouvé jusque dans le discours lui-même : multipliant les coups de poing dans sa main, le président de la République a imité l’attitude du chef de groupe sans se départir d’une rhétorique d’homme politique, s’adressant à « celles et ceux » (sic) qui, parmi les joueurs, prendront bientôt leur retraite, et ponctuant son allocution par un « vive la République, vive la France ». Un comble pour celui qui avait appelé à ne pas « politiser le sport » tout en s’empressant de partager les vidéos de ces moments sur ses réseaux sociaux !

Dans un récent ouvrage au titre de circonstance, Être à sa place (L’Observatoire, 2022), Claire Marin désigne l’insolence comme « cette ambition, cette envie et ce désir de se dé-placer, de s’offrir une place tout autre, quitte à créer soi-même celle qui ne convient pas, nous traduit, nous exprime ». S’il est peut-être ici plus question d’indécence que d’insolence – l’insolence impliquant un défi à l’autorité qui n’a pas lieu d’être entre Macron et l’équipe de France –, la question de la duplicité n’en reste pas moins centrale. Emmanuel Macron semble avoir du mal à définir, circonscrire, tenir le personnage qui lui revient, en tant que représentant de la nation. Or, selon Claire Marin, « ne pas tenir en place, c’est refuser d’être arrimé à un endroit, limité à un rythme, assujetti à une manière de vivre ou de penser. C’est ne pas se laisser enfermer dans un seul mode d’être, s’offrir le luxe d’expérimenter d’autres vies ».

C’est bien un tel luxe que s’est permis le président et qui l’a rendu semblable à un acteur en représentation, endossant des rôles successifs au gré de la portée romanesque du personnage qu’il se sent la possibilité d’incarner. Comme si le costume de président ne lui suffisait pas, et qu’il devait « en même temps » agir en coach ou en simple supporter. Sauf que les supporters n’ont pas accès à la pelouse, ils ne peuvent faire d’accolade à Kylian Mbappé, ni aller saluer les joueurs dans les vestiaires. Une duplicité qui, sans le dire, rappelle sa condition privilégiée par rapport à celle, plus distante, des millions de Français qui auraient aimé être présents.

Décidemment, « un président ne devrait pas faire ça ».

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