Faut-il légiférer sur l’Histoire ?

Émilie Chapuis publié le 5 min

En octobre, une « mission parlementaire d’information sur les questions mémorielles » rendra ses conclusions. Lancée quand Nicolas Sarkozy a voulu « confier à chaque élève de CM2 la mémoire d’un enfant français victime de la Shoah », elle s’achèvera en pleine mobilisation des historiens européens.

La polémique

Mission parlementaire, lecture de la lettre de Guy Môquet dans les écoles… La mémoire se politise. Et se judiciarise. Depuis 2001, les « lois mémorielles » ont successivement reconnu le génocide arménien (2001), affirmé que la traite transatlantique avait eu un caractère de crime contre l’humanité (loi Taubira, 2001), se sont prononcées sur le rôle positif de la colonisation (2005, loi abrogée). Enfin, depuis 2007, une décision-cadre européenne sanctionne la banalisation de tout événement précédemment qualifié de « crime de guerre », « crime contre l’humanité » ou « génocide ».

Avancées d’une nécessaire « politique de la reconnaissance » ? Ou mise à mal de la liberté d’expression et de recherche des historiens ? Ces lois reconnaissent des crimes passés, mais elles permettent la sanction pénale d’historiens. Comme la loi Gayssot (1990), qui interdit la contestation des crimes et génocides commis par les chefs nazis. Ainsi, l’historien Pétré-Grenouilleau a-t-il été inquiété par une association qui lui reprochait de dire, contre la loi Taubira, que la traite n’avait pas été un crime contre l’humanité du même ordre que la Shoah.

Dès lors, en 2005, les historiens se mobilisent et se divisent. D’un côté, Gérard Noiriel et son Comité de vigilance face aux usages publics de l’Histoire s’oppose à la loi de 2005. Car elle comporte un « jugement de valeurs » sur la colonisation. De l’autre, l’association Liberté pour l’Histoire, fondée autour de Pierre Nora, rejette toutes les lois mémorielles. Le 11 octobre, des historiens italiens, belges et suisses, inquiétés par la législation européenne, rejoindront cette association pour lancer un appel depuis le festival de Blois.

Expresso : les parcours interactifs
Les mots pour dire « je t'aime »
Pourquoi est-ce si difficile d'exprimer notre amour avec justesse et élégance ? Bergson nous montre que le langage lui-même peine à restituer l'immense diversité de nos sentiments.
Sur le même sujet
Bac philo
2 min
Nicolas Tenaillon

On peut donner deux sens au mot histoire : ce que l’homme a vécu, et le récit qu’il en fait. En tant que récit, l’histoire suppose l’écriture, dont l’invention marque le passage de la préhistoire à l’histoire. Tournée vers le passé,…






Article
9 min
Catherine Portevin

La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, l’ouvrage de Paul Ricœur, passionne autant le grand public que les spécialistes : un événement en librairie…

Encombrante mémoire

Article
1 min
Martin Legros

Un sentiment de désorientation nous gagne, le sentiment que l’histoire se déchaîne en tout sens sans que nous ayons prise sur son cours. David…

Fin de l’histoire : la parade de Bowie

Article
3 min
Catherine Portevin

Raconter aux Français une histoire de Français qui n’entre pas dans l’histoire de France ? C’est l’engagement dans l’écriture de Magyd Cherfi,…

Magyd Cherfi. Seul avec tous