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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Éric Flogny

Grand Débat national

En direct de la démocratie

Fabienne Brugère, Pierre-Henri Tavoillot, Denis Maillard, propos recueillis par Michel Eltchaninoff publié le 20 février 2019 23 min

Soucieux de contribuer à faire émerger des idées en réponse à la crise sociale et politique actuelle, Philosophie magazine a organisé sa version du “Grand Débat national”, à Lille. Trois philosophes, Fabienne Brugère, Pierre-Henri Tavoillot et Denis Maillard ont accompagné les représentants de la rédaction afin de nourrir les discussions. Ouvert à tous, participatif, souvent fécond, mais aussi tâtonnant, ce débat hébergé par Sciences Po Lille a montré que le public attend une réforme en profondeur des in­stitutions. Et donné quelques pistes.

« Comme nous sommes représentés par des députés et des sénateurs, je suis très choqué qu’il n’y ait pas la parité hommes-femmes dans ces assemblées. J’imagine un remède qui serait de l’ordre de l’obligation : par exemple, on pourrait regrouper quatre circonscriptions en une seule et élire un homme et une femme pour la représenter en binôme. C’est indispensable, car pour le moment je ne me sens pas représenté », affirme un homme d’une cinquantaine d’années, qui a immédiatement levé la main tandis que nous appelions à faire part d’expériences personnelles liées au fonctionnement de notre démocratie.

Il est 18 h 30, le mardi 29 janvier, dans le grand amphithéâtre de Sciences Po Lille. Sur les gradins sont présentes environ cent quarante personnes, de tous âges, de tous milieux sociaux – le public frappe d’emblée par sa diversité. Mais, déjà, une autre main se lève au fond de l’amphi : « Bonjour, je m’appelle Pierre et je suis médecin hospitalier, j’exerce à Roubaix. Je voudrais faire part de mon ressenti face au mouvement des “gilets jaunes”. Peut-être faudrait-il comparer cela à l’affaire Dreyfus, mais j’observe qu’au cœur de ma famille, plutôt des bourgeois de gauche, et parmi mes amis, c’est très clivant. Mes deux meilleurs amis soutiennent les “gilets jaunes”. Quant à moi, lorsqu’on a annoncé un blocage des ronds-points, j’ai d’abord réagi par l’incrédulité, je trouvais insensé qu’on empêche les gens d’aller travailler. Et puis, j’ai eu une réaction très violemment négative lorsque je me suis retrouvé bloqué sur un rond-point. Aujourd’hui, je prends du recul, j’échange beaucoup avec mes amis favorables au mouvement et j’attends de ce débat quelques éléments rassurants sur ce qu’est notre démocratie. J’aimerais que l’on recrée les conditions d’un débat démocratique. »

Ni invective ni houle de commentaires dans le public : l’heure est à l’écoute. Et tout au long de ce débat, à notre grand étonnement, chacun déclinera en toute transparence son identité sociale et ses convictions – quelques-uns ont pris part au mouvement des « gilets jaunes », d’autres s’en sont indignés –, sans provoquer le moindre charivari. Sur le côté, une jeune femme demande le micro à son tour : « Bonsoir ! Lors de la dernière élection présidentielle, j’ai participé à l’initiative de la Primaire.org, qui consistait à faire émerger un candidat citoyen, et non un politicien professionnel. Je me suis engagée dans cette dynamique et j’ai donc aidé un candidat à structurer sa démarche. Il n’a pas été sélectionné à la fin, mais peu importe, je ne l’ai pas fait pour cette personne, mais parce que j’adhérais à cette logique d’une primaire citoyenne : je souhaite qu’on intègre au système représentatif une dose de démocratie participative. »

Discussions sur la méthode

L’idée de ce débat, que nous voyons naître en direct sous nos yeux, a germé lors d’une conférence de rédaction de Philosophie magazine. Nous nous demandions quel traitement réserver dans nos pages au Grand Débat national voulu par Emmanuel Macron, initié le 15 janvier et destiné à prendre fin le 15 mars, et nous avons d’abord songé à assister à quelques débats pour en ramener des reportages. Et puis, il nous a semblé que ce n’était pas assez ambitieux, qu’il fallait aller un cran plus loin et organiser notre propre débat, en embarquant des philosophes désireux d’y mettre leur grain de sel. Après tout, la philosophie n’a-t-elle pas partie liée, depuis son origine, avec la délibération rationnelle ? Depuis qu’elle s’est donné pour tâche, avec Socrate, d’accoucher les idées des citoyens et de substituer l’autorité de l’argument à l’argument d’autorité, la philosophie n’a-t-elle pas forgé des outils qui permettent de faire émerger dans une discussion, par-­delà les opinions et les convictions, des énoncés rationnels ? Mais, d’un autre côté, n’était-ce pas apporter une caution « philosophique » à ce Grand Débat, qui est aussi une manœuvre politique pour sortir de la crise des « gilets jaunes » ? Certains philosophes avaient d’ailleurs refusé d’y participer pour cette raison. Fallait-il entrer dans la logique de questions fermées (quelles dépenses réduire, quel impôt augmenter…) souhaitée par Emmanuel Macron dans sa «  Lettre aux Français », ou ouvrir l’ordre du jour, au risque de brasser des concepts sans portée pratique ? Inviter un plateau de philosophes, au risque d’écraser la parole populaire, ou simplement donner la parole aux personnes présentes – et dans ce cas, où serait la spécificité philosophique de notre débat ? Impossible de ne pas participer donc, mais nécessaire d’imposer nos marques.

Concrètement, une première question se posait : où ? Notre rédaction est située à Paris, mais la capitale s’est gentrifiée, et le mouvement des « gilets jaunes » est parti des campagnes, des petites agglomérations. Après réflexion, nous nous sommes dit que Lille était une ville propice, car toutes les composantes de la société française sont réunies dans son bassin : des bourgeois et des chômeurs, des étudiants et des ouvriers. Nous avons donc appelé la direction de la communication de la mairie de Lille, pour leur demander si des salles avaient été mises à disposition pour le Grand Débat national. Il y eut alors comme un flottement au téléphone : « Nous venons d’avoir des directives de Martine Aubry, et la mairie sera un facilitateur du Débat national, mais nous ne mettrons à disposition aucune salle, et nous ne publierons pas non plus d’informations sur les débats qui se tiendront dans la commune. » Faut-il voir dans cette attitude peu engageante le résultat d’une rivalité personnelle entre Martine Aubry et Emmanuel Macron, ou le symptôme plus général d’une défiance des élus locaux, et surtout des maires, contre un pouvoir qui a longtemps semblé mépriser les corps intermédiaires et qui a supprimé la taxe d’habitation ? Heureusement pour nous, le problème du lieu s’est rapidement dénoué, car la direction de Sciences Po Lille, contactée dans la foulée, s’est, elle, montrée enthousiaste : « Un débat philosophique et citoyen, ici, c’est exactement ce que nous rêvons d’organiser ! » 

Une fois notre rendez-vous officiellement enregistré sur la plateforme numérique du Grand Débat national, restait à élaborer une méthode. À vrai dire, le kit méthodologique proposé par la plateforme gouvernementale était plutôt bien conçu. Il recommandait d’expliciter dès le début les règles du débat démocratique, en invitant chacun à « respecter les autres participants et leurs opinions, même si elles sont différentes », à « contribuer avec des propositions et des arguments », à « ne tenir aucun propos injurieux, grossier, diffamatoire, irrespectueux, agressif, violent, raciste, xénophobe, sexiste, ou faisant l’apologie des crimes de guerre ». Il s’agissait là, grosso modo, d’un rappel des limites de la liberté d’expression, enrichies de quelques règles propres à la délibération démocratique, lesquelles ont été clarifiées par un philosophe allemand, Jürgen Habermas. Le point le plus essentiel, mais aussi le plus exigeant, souligné par Habermas et présent dans le kit, est que toute personne s’engageant dans une délibération touchant au bien commun doit laisser ses intérêts personnels mais aussi ses passions au vestiaire. Il est exclu de s’exprimer sous le coup de la colère ou de défendre les intérêts du groupe auquel on appartient ; le discours rationnel doit se détacher du tumulte des émotions et des appétits. C’est simple en apparence, mais est-ce si facile ?

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