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“Parade des pharaons”, Le Caire (Égypte), le 3 avril 2021 : un véhicule élaboré spécifiquement pour cette occasion transporte la momie de Ramsès III du musée du Caire, place Tahrir, vers le nouveau musée de la civilisation égyptienne. © Islam Safwat/Getty Images/AFP

Histoire

Égypte : la momification de la société ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 07 avril 2021 3 min

Hatchepsout, Ramsès II, Seqenenrê Tâa… Les dépouilles momifiées des plus grands pharaons de l’Égypte antique ont été déplacées, samedi soir, du musée du Caire vers le musée national de la civilisation égyptienne, afin d’améliorer leurs conditions de conservation. Un non-événement, en soi. Le régime a choisi d’en faire un véritable spectacle : les vingt-deux cercueils, transportés dans des chars noir et or, ont défilé pendant quarante minutes dans les rues de la capitale, escortés par les policiers égyptiens, mais surtout par des cohortes de figurants en costume d’époque. Un show télégénique, retransmis en direct, qui est aussi, pour le président al-Sissi, une manière à peine voilée d’asseoir son autorité et sa légitimité en exaltant la fierté nationale. Se placer sous l’égide de momies n’est-il pas, pourtant, le signe d’une société sclérosée qui se cramponne sur son passé ? Réponse avec Michel Foucault.

 

  • Pourquoi les momies nous fascinent-elles ? Parce qu’elles témoignent, répond Foucault dans Le Corps utopique (1966), d’un désir secret, tapi au plus profond de l’existence humaine : échapper à notre corps, à ses limites, à sa vulnérabilité. « Mon corps, c’est le lieu sans recours auquel je suis condamné. […] Il sera toujours là où je suis. il est ici irréparablement, jamais ailleurs. » Le corps nous encombre parce que nous sommes rivés à lui. Le corps nous fixe à une position dans l’espace et dans le temps, et nous expose à une détermination fondamentale qu’il porte en lui : la mort.
  • D’où, précisément, la volonté de « transfigurer » cette finitude qui nous colle à la peau – de transposer le corps dans le royaume de l’utopie, dans un lieu hors des lieux et du temps. « L’utopie, c’est un lieu hors de tous les lieux, mais c’est un lieu où j’aurai un corps sans corps, un corps qui sera beau, limpide, transparent, lumineux, véloce, colossal dans sa puissance, infini dans sa durée, délié, invisible, protégé, toujours transfiguré ; et il se peut bien que l’utopie première, celle qui est la plus indéracinable dans le coeur des hommes, ce soit précisément l’utopie d’un corps incorporel. » L’utopie « efface » le corps, elle le fait disparaître.
  • C’est, exactement, ce qui se joue dans le processus d’embaumement des momies : « Cette utopie, c’est le pays des morts, ce sont les grandes cités utopiques que nous a laissées la civilisation égyptienne. Les momies, après tout, qu’est-ce que c’est ? C’est l’utopie du corps nié et transfiguré. La momie, c’est le grand corps utopique qui persiste à travers le temps. » L’embaumement stoppe le vieillissement de la chair, elle la fige dans un état d’éternité qui, pour ne pas être vraiment vivant, n’est pas tout à fait mort parce qu’il résiste à la décomposition. Le scellement du tombeau, la dissimulation de la dépouille sous un masque d’or, dérobe, enfin, le corps à la vision, alors même que c’est précisément le corps qui nous expose, normalement, aux dangers de la visibilité.
  • La grande parade pharaonique organisée récemment est, à ce titre, exemplaire : elle donne beaucoup à voir, sauf l’essentiel – la momie elle-même. Le cortège prend, à vrai dire, un sens tout particulier dans un contexte où l’Égypte reste particulièrement fragilisée depuis le printemps arabe : il permet de transfigurer, à l’échelle collective, le corps social dans une utopie – celle d’une civilisation millénaire, et même éternelle, sur laquelle le temps n’aurait plus de prise et qui, au fond, s’exempterait des enjeux de l’histoire présente. « Ce spectacle grandiose est le signe de la grandeur […] d’une unique civilisation qui plonge ses racines dans les profondeurs de l’histoire », a commenté le général al-Sissi. On n’aurait pu mieux dire.
  • Convoquer les pharaons apparaît, en ce sens, comme l’indice d’une société qui, pour conjurer les troubles qui la traverse, se cramponne à un passé embaumé dans l’irréalité du mythe. La momification de l’histoire, sur fond d’exaltation de l’identité nationale, est-elle pourtant la meilleure manière de faire face aux vicissitudes du temps ?
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