“De civitate angelorum”, de Donatien Grau : un nouveau livre sur Los Angeles… en latin !

Los Angeles est-elle la nouvelle Rome antique ? Puissante, enivrée de divertissements, peut-être en décadence, Donatien Grau en fait le sujet de son dernier livre, De civitate angelorum (Yvon Lambert, 2023). En latin.

Conseiller pour les programmes contemporains au musée du Louvre, Donatien Grau publie un livre écrit exclusivement en latin sur la ville de Los Angeles,De civitate angelorum (Yvon Lambert, 2023). Puisant dans l’Antiquité des ressources de pensée, il met en lumière des affinités secrètes entre la Rome antique et le Los Angeles post-moderne. Après d’autres livres sur Néron et l’Empire romain, mais aussi après son exposition sur Platon à Los Angeles, Donatien Grau tisse des liens entre la ville du divertissement contemporain et celle de la misère de l’homme sans Dieu, décrite par saint Augustin. Avec lui, on retrouve son latin, pour questionner les effets en miroir de la domination culturelle des empires romain et américain.

Un livre sur Los Angeles en latin, sans traduction ! Pourquoi ?

Donatien Grau : Au départ de ce projet, il y une circonstance concrète. J’ai été invité à travailler au musée Getty à Los Angeles (États-Unis), comme chercheur et comme conservateur invité. J’ai été frappé par le fait que le fondateur du musée John-Paul Getty en personne rêvait que la Californie, et en particulier Malibu, était l’équivalent pour les États-Unis de la Campanie, où les riches Romains avaient leur maison – Gaète, Stabies, etc. Le philanthrope Getty avait lui-même une résidence à Ladispoli, qui est devenue un hôtel, où l’on a trouvé une inscription au nom de César : Getty a donc imaginé que César avait eu sa villa exactement sous la sienne. Dans l’esprit de Getty, il y avait donc l’idée que le sud de la Californie était la nouvelle Campanie du nouvel empire romain qu’était l’empire américain, une sorte de « translatio imperii », liée d’ailleurs au devenir impérial, économique, militaire, de la « lingua franca » qu’était l’anglais – nouveau latin. Getty a donc souhaité construire la villa qui porte son nom, premier musée abritant ses collections et son centre de recherche, comme une reconstitution de la villa des Papyrus d’Herculanum. D’ailleurs, au moment de l’ouverture de la Villa Getty au début des années 1970 à Malibu, beaucoup de commentaires ont insisté sur le caractère étonnant, voire délirant de ce lieu. Mais cette approche a été battue en brèche, notamment par la romancière américaine Joan Didion et l’écrivain italien Umberto Eco. Eco, dans le texte qu’il y a consacré, évoque ses conversations avec un archéologue qui lui démontre que la villa est en réalité la réplique exacte d’une villa romaine ; que ce n’est pas la réalisation qui est fausse, mais notre perspective de l’Antiquité qui est biaisée. Toutes ces réflexions rejoignent des interrogations dans mon travail depuis mon livre Néron en Occident (Gallimard, 2015), où je questionnais les relectures constantes de ce patrimoine qu’est devenue l’Antiquité. Tout cela m’a donc donné l’idée d’écrire un livre sur Los Angeles en latin ; d’une langue impériale à une autre, tout aussi impériale.