“Contre les femmes. La montée d’une haine mondiale”, d’Abram de Swaan
C’est le petit discours qui monte, qui monte… Les femmes seraient en passe d’obtenir l’égalité qu’elles réclament depuis tant de décennies : n’ont-elles pas déjà le droit de vote et celui d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation d’un tuteur, et la possibilité de mener la carrière qu’elles souhaitent ? Les féministes actuelles ne seraient-elles pas les enfants gâtées d’une révolution qui a déjà porté ses fruits ? Le sociologue néerlandais Abram de Swaan collecte un ensemble de données à travers le monde pour rétablir les faits : le patriarcat, qu’il qualifie de « règne de la terreur », exerce toujours son impitoyable oppression sur les femmes et les hommes qui ne répondent pas à une certaine norme de la masculinité.
- Pour Abram de Swaan, ce « règne de la terreur » ne concernerait pas que les pays en guerre ou économiquement en difficulté. Aux États-Unis, dans une vingtaine d’États, il n’existe par exemple toujours pas d’âge minimum légal pour se marier. Il y a trois ans, le New York Times rapportait ainsi (sans le préciser temporellement…) qu’en 1972 en Floride, Sherry Johnson, une petite fille de 11 ans tombée enceinte suite à un viol, s’était vue poussée par sa famille, des pentecôtistes rigoristes, à épouser son agresseur. Ce que la loi avait permis. Même si la législation a largement évolué depuis (ici, en anglais, l’état actuel de la législation en Floride), ce type de vides juridiques constitue même des îlots de résistance, selon Abram de Swaan.
- De Swaan remarque en effet qu’au fur et à mesure que les droits des femmes gagnent du terrain, se développe le ressentiment des hommes. Quand on ne vous propose comme modèle de masculinité qu’une version dominante, violente et insensible de vous-même, difficile de renoncer à ce qui vous permettait d’exercer ce pouvoir. Le sentiment d’une « grande injustice faite au mâle » se fait jour en même temps que celui de « perdre son statut, perdre son honneur ».
- Pour de Swaan, cette blessure narcissique est l’un des moteurs principaux à la fois de l’État islamique et des mouvements suprémacistes d’extrême droite (de Swaan cite en exemple le Norvégien Anders Behring Breivik dont le manifeste rend le féminisme responsable de la décadence de la culture européenne). Certes, dans un cas, il y aurait comme motif invoqué la revanche à l’égard d’un Occident perçu comme injustement envahisseur, et dans l’autre, la volonté de réhabiliter la race blanche. Tout aussi surprenant que puisse sembler ce rapprochement, la haine des femmes constitue leur point commun, pour de Swaan.
- Leur pouvoir de nuisance ne peut toutefois enrayer le mouvement d’individualisation que de Swaan repère chez les deux sexes : « Une plus grande égalité entre les sexes implique donc une plus grande diversité entre les femmes, mais aussi entre les hommes. » La grande révolution ne serait-elle au fond pas celle-là : celle des identités ? l’abandon de la binarité au profit d’une multiplicité de possibilités ? De Swaan ne fait qu’effleurer l’hypothèse. Tout juste assez pour susciter un léger frisson d’enthousiasme.
Contre les femmes. La montée d’une haine mondiale, d’Abram de Swaan, est paru aux Éditions du Seuil. 369 p., 22€, disponible ici.
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