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© Olivier Marbœuf pour PM

Lexique

Contre la confusion du sens

Etienne Tassin publié le 07 décembre 2006 10 min

Hannah Arendt s’est employée à distinguer, élucider et critiquer les concepts. Son but : faire place au sens dans le désordre du monde afin que le jugement puisse à nouveau déboucher sur l’action.

Penser, pour Hannah Arendt, c’est s’arracher à la confusion commune, singulariser notre rapport aux choses, faire surgir un sens inouï de la trivialité du déjà-vu et du partout-dit. Travail/œuvre/action ; vie/monde/pluralité ; penser/vouloir/juger ; autorité/pouvoir/violence ; régime autoritaire/dictatorial/totalitaire… Elle procède par distinctions conceptuelles. Celles-ci permettent de mettre en évidence ce qui fait la teneur d’un concept, ce qui donne sens à un événement.

Parce que la confusion s’impose, il est important de singulariser ce qui relève de l’action, de l’œuvre ou du travail. Visser des boulons à la chaîne comme Charlot dans Les Temps modernes n’est ni une action ni une œuvre : c’est un travail. Défiler en criant des slogans est une action. Deux activités, deux espaces, deux significations, et un même « agent » qui passe de l’un à l’autre presque sans s’en rendre compte. Seule la distinction conceptuelle permet de lever les amalgames qui nous font prendre une opération policière ou gestionnaire pour une action politique, une activité salariée pour une œuvre ou une manifestation pour un moyen de pression.

 

Régime autoritaire, dictature, totalitarisme

Hannah Arendt forge, sous le nom de totalitarisme, un concept nouveau pour désigner un système de domination inédit au regard des expériences de pouvoir déjà connues, comme la tyrannie, le despotisme ou la dictature, car la distinction est de nature et non de degré dans l’oppression.

Les régimes autoritaires s’ordonnent à la loi, dont la source est transcendante ; on s’y oppose par le droit. Les dictatures reposent sur la force ; on s’y oppose par la force. Le totalitarisme fait de la loi une nécessité naturelle ou historique pour se légitimer, vidant le droit de son sens. Il systématise la répression des opposants jusqu’à leur suppression. Aussi les camps représentent-ils l’essence de la domination totale. Obéissant à la logique destructrice de la terreur, elle est antipolitique en son fond. Au lieu de viser une certaine forme instituée du rapport humain, elle n’a en vue que la destruction. Le totalitarisme n’est pas un régime politique, il met au contraire la politique hors régime. Dans Les Origines du totalitarisme, Hannah Arendt distingue les éléments composant le système de domination totale (antisémitisme, impérialisme, massification) pour retracer la « cristallisation » qui a donné naissance à deux totalitarismes : l’Allemagne hitlérienne et l’Union soviétique stalinienne. Mais si, d’un point de vue conceptuel, un régime autoritaire ou une dictature ne sont pas des systèmes totalitaires, dans les faits, des éléments de totalitarisme sont développés dans ces régimes qui peuvent les conduire à changer de nature. Voilà qui invite à être vigilant face aux nouvelles formes de domination totale qui peuvent se manifester aujourd’hui au cœur des sociétés démocratiques.

 

Travail, œuvre…

Nous travaillons, nous faisons, nous agissons. Ce sont là trois activités distinctes bien que confondues dans l’ordinaire de la vie et de la pensée. S’il importe de les distinguer, c’est afin d’élucider ce qu’est la condition humaine. Nous travaillons avant tout pour vivre. Que la vie soit la condition du travail signifie que c’est elle qui fait de nous des travailleurs. Le travailleur est celui dont la vie s’épuise dans l’activité destinée à la gagner. On rêve de vivre sans travailler parce que nos sociétés nous ont conduit à tellement travailler qu’on n’a plus le temps de vivre. C’est pourquoi la réduction du temps de travail a un enjeu philosophique : c’est un combat pour la dignité de l’existence humaine contre la réduction de celle-ci à la vie animale. La vie de celui que Hannah Arendt nomme l’animal laborans (« animal laborieux ») est insensée. À moins qu’il ne « fasse » quelque chose. Faire, c’est œuvrer, fabriquer quelque chose de ses mains et participer à l’édification d’un monde commun. Si les produits du travail ne durent pas, voués à périr par la consommation, les œuvres, elles, ont vocation à durer. Elles composent le monde humain. La condition de l’œuvre est donc l’appartenance au monde. C’est parce que nous œuvrons que nous sommes du monde et au monde, et c’est en qualité de créatures mondaines (et pas simplement vivantes) que nous créons un monde, que nous sommes créateurs. Avec l’œuvre, la vie devient une existence, le biotope humain, un monde et nos modes de vie, des cultures. L’existence de celui que Hannah Arendt nomme, après Henri Bergson, l’homo faber (« homme artisan ») est riche de sens. Mais à l’édificateur de monde, au créateur de cultures, il manque encore quelque chose : manifester sa liberté.

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À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
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