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Le socle de la statue de Christophe Colomb désormais amputé de sa sculpture, sur l’avenue Paseo de la Reforma (“Promenade de la réforme”) à Mexico, le 7 septembre 2021. © Hector Vivas/Getty Images South America/Getty Images via AFP

Cancel culture

Colomb déboulonné au Mexique : l’histoire sans nom

Octave Larmagnac-Matheron publié le 08 septembre 2021 3 min

Nouvel épisode pour la cancel culture du déboulonnage, de l’autre côté de l’Atlantique. Au Mexique, la statue de Christophe Colomb située dans la capitale, Mexico, est au centre d’une polémique. Dégradée après une marche féministe de 2020, cette statue avait un temps été retirée de son piédestal pour être restaurée. Elle ne sera finalement pas remise en place, a décidé la maire de la ville Claudia Sheinbaum, qui souhaite installer à la place l’effigie d’une « femme olmèque ».

La maire de Mexico évoque une question de « justice sociale ». Pourquoi honorer l’explorateur génois, alors même que ce sont ses voyages qui ont donné le coup d’envoi de la colonisation et de l’extermination des Amérindiens ? La décision, polémique, pourrait passer inaperçue – un énième déboulonnage réclamé par les tenants du mouvement « woke ». Elle est, cependant, plus intéressante qu’il n’y paraît. 

 

  • Au-delà de la polémique que ne manquera pas de susciter le déboulonnage de Christophe Colomb (faut-il réécrire l’histoire, l’expurger de ce qui peut gêner ?), le cas mexicain est intéressant par la substitution qu’il opère : plutôt que de remplacer le « découvreur » de l’Amérique par une autre grande figure de l’histoire nationale, plus en accord avec les préoccupations du temps, la maire de Mexico a fait le choix d’une « femme olmèque » indéterminée, anonyme, sans identité. Une femme censée en représenter une multitude d’autres : « Ce sont précisément les femmes indigènes qui ont peut-être eu le plus grand poids dans l’histoire du Mexique et qui ont été le moins reconnues. »
  • Il s’agirait donc peut-être moins, en l’occurrence, de jouer une histoire contre l’autre, en chassant du paysage Christophe Colomb au profit d’un autre nom, que de jouer, contre l’histoire des grands noms – toujours des noms d’hommes – celle des sans-nom, de celles et ceux qui, précisément, n’ont pas laissé de trace, alors même que l’histoire ne s’est pas faite sans ces personnes. De ce point de vue, la statue de substitution qui trône désormais à Mexico n’est pas un nouveau fétiche destiné à annuler l’histoire. Ce qu’elle rend présent est absent. Ce qu’elle donne à voir, c’est que l’histoire est hantée par un vide, formé par la mort d’invisibles dont l’éviction symbolique a été la condition du culte des « héros ». Mais elle dit en même temps que ce vide ne compte pas pour rien. C’est là une certitude vertigineuse : des millions de femmes et d’hommes nous ont précédés sans laisser aucune trace. Sourde à cet appel du vide, l’histoire « traditionnelle » se mue en tautologie : elle raconte seulement ce qu’il y a à raconter, sans essayer de dire, tout de même, les vies insignes qui n’ont pu faire le chemin jusqu’à nous. 
  • Cette tension de la trace et l’oubli est, à vrai dire, constitutive de toute société. Le philosophe italien Maurizio Ferraris le souligne bien dans Documentalité (2021) : « Rien de social n’existe en dehors du texte », indépendamment d’un « acte d’inscription […] sur le papier, sur un fichier d’ordinateur » – ou sous la forme d’une statue. Les choses sociales acquièrent leur pérennité et prennent place dans l’histoire en s’imprimant sur un support. C’est vrai aussi des individus, sous la forme absolument singulière, unique, de la « signature ». Pour exister, pour survivre à l’oubli, il faut inscrire sa présence dans des documents. 
  • Or, tous les acteurs du monde social n’ont pas la même capacité à se « documentaliser ». Même lorsqu’ils parviennent à laisser une trace, celle-ci risque toujours de se perdre, noyée dans le flot continu de documents générés autour de certaines figures-repères (Christophe Colomb, par exemple). Ou de disparaître, lorsque personne n’est plus là pour en prendre soin. Les documents qui constituent et structurent l’espace social sont, ainsi, pris dans une rivalité incessante. En un sens, la nouvelle statue de Mexico met en abîme cette lutte des traces. Il n’est pas question de minorer la dimension par ailleurs idéologique de la démarche, et le danger qu’il y a, pour l’histoire, à se laisser saturer par le sens plein, sans lézarde, de l’idéologie. C’est sans aucun doute l’un des principaux problèmes posés par la cancel culture. On peut cependant relever le caractère positivement paradoxal que revêt le choix d’une statue anonyme : l’olmèque sans-nom vient rouvrir le champ du sens là même où l’on aurait pu craindre qu’il ne se referme. 
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