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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Bruce Bégout le 17 septembre 2020. © Philippe Matsas/Leextra/opale.photo

Intervention

Bruce Bégout : “Si Marine Le Pen arrive au pouvoir, elle pourrait bien se débrouiller pour le garder”

Bruce Bégout, propos recueillis par Victorine de Oliveira publié le 13 avril 2022 7 min

Bruce Bégout s’est toujours intéressé aux marges de la philosophie, en se penchant sur des concepts aussi évidents que difficilement palpables, comme le quotidien ou l’ambiance. De quoi le mener en terrain aussi concret que poétique, des motels américains aux parcs d’attraction en passant par les ruines de notre monde contemporain – ou leur absence. Viscéralement de gauche, il ne s’attendait à rien de particulier dimanche soir. Ce qui ne l’empêche pas d’être déçu.

Pour espérer un jour retrouver le pouvoir, la gauche doit se recomposer et rassembler, affirme-t-il. En attendant, il faudra, encore une fois, empêcher Marine Le Pen de l’atteindre.

 

« Je ne m’attendais à rien de mieux ou rien de pire que cette affiche, qui ne fait que confirmer et amplifier le résultat de 2017. À vrai dire, la situation de 2017 est même accentuée, puisque le PS et LR sont définitivement éliminés avec des scores dérisoires, et peut-être pour toujours. Ils représentent désormais un monde qui n’existe plus. Dans la perspective de l’évolutionnisme darwinien, ce sont des espèces en voie d’extinction qui ont eu leur chance et sont décimées par leur propre faute. Je ne pleurerai toutefois pas sur ces formations-là et leur déclin – elles sont largement responsables du sort qui est le leur à présent. J’ai toujours appartenu à la pensée et à la sensibilité de gauche, et ce depuis que j’ai 13-14 ans, depuis que je suis en âge de comprendre quelque chose autour de moi politiquement parlant. Mais j’ai bien vu, surtout depuis dix ans, l’érosion progressive de sa force, de son espoir, de ses valeurs. Il va donc falloir que les gens de gauche, quelle que soit leur sensibilité, se mettent autour d’une table et réfléchissent ensemble à un renouveau nécessaire, car l’on ne peut vivre éternellement avec cette nouvelle alternance que l’on nous promet entre LREM et le RN. Certes, notre système électoral n’aide pas vraiment les choses. Si, au lieu d’un système représentatif et majoritaire à deux tours, nous avions un système proportionnel comme en Allemagne, cela rebattrait peut-être les cartes en permettant l’émergence des coalitions et des compromis. Dans le contexte de la Ve République, on n’a pas vraiment le choix. Dans cette configuration et jusqu’à un éventuel changement constitutionnel, la gauche a donc besoin, pour gagner, d’un discours d’élargissement et de rassemblement des électeurs – surtout des électeurs et électrices âgés, et ceux des classes populaires. Elle doit donc faire, à mon sens, un sévère examen de conscience pour remobiliser ces masses parties ailleurs et comprendre pourquoi son discours, son projet, les idées qu’elle porte, ne touchent que 30% de la population exprimant un suffrage, et donc 1/5e de la population réelle et totale.

“On ne peut vivre éternellement avec cette nouvelle alternance […] entre LREM et le RN” Bruce Bégout

Les classes populaires votent désormais majoritairement pour la droite libérale ou extrême. Le vrai combat se situe donc là, à mon avis. Il va falloir convaincre les employés, les ouvriers, la classe moyenne, les retraités, que la gauche défend leurs intérêts, qu’elle propose un espoir d’amélioration de leurs conditions de vie, même lorsqu’elle met en avant l’urgence climatique et la nécessaire transformation du système productif. L’écologie politique ne peut être uniquement une question morale ou technique, encore moins un discours catastrophiste et culpabilisant ; elle doit être reliée à la question sociale, à la préservation de la qualité de vie, à son amélioration même. Il faut expliquer qu’un gain égalitaire, social et économique est à la clé, si l’on agit en faveur de l’environnement. Mais ce qui vaut pour la question écologique vaut également pour d’autres thématiques au cœur de la gauche plurielle. Il faut donc que cette gauche porte un discours d’espérance, d’enthousiasme, de mobilisation des énergies, et non un discours culpabilisateur, moralisateur, défaitiste, comme elle a tendance à le faire trop souvent.

“La gauche doit expliquer qu’il y a un gain égalitaire, social et économique à agir pour l’environnement” Bruce Bégout

Certes, Jean-Luc Mélenchon a obtenu, en un certain sens, une victoire avec ses 22%. Mais il reste tout de même très clivant pour nombre de gens de gauche. Tout en portant un projet politique de réforme nécessaire de la Ve République, il y endosse un rôle ambigu : promettre la transition vers la VIe République tout en jouant sur l’adhésion au chef, avec une composante souverainiste et nationale très marquée. Par certains aspects, il est donc bien ancré dans la Ve République et en est même une émanation parfaite. Il avait pourtant une porte ouverte dans laquelle il aurait pu s’engouffrer, avec la chute du PS en 2017. Il aurait pu rassembler la gauche écologique, socialiste et radicale, mettre fin à son attitude parfois agressive et méprisante. Il ne l’a pas fait, ou trop tardivement. En outre, la récente guerre en Ukraine, suite à l’agression de la Russie, a été pour lui et son parti l’occasion malheureuse de se mettre encore à dos plus de personnes de gauche exaspérées par sa décision de non-alignement et son discours ambigu sur les raisons de la guerre. À présent, les Insoumis vont devoir tendre la main à d’autres sensibilités de gauche s’ils veulent survivre et prospérer. Car, à mon sens, cette élection est un peu en trompe-l’œil pour eux ; ils ne pèsent en fait que 10% de l’électorat, les 12% restants étant composés de gens qui, comme moi, voulaient absolument éviter un second tour Macron/Le Pen et qui ont donc voté Union populaire au premier tour. Un indice de cela : le discours de Jean-Luc Mélenchon dimanche soir, plus rassembleur que d’habitude, moins vengeur et accusateur. Il a peut-être retenu la leçon et compris que le clivage n’était pas bénéfique.

“La gauche doit comprendre pourquoi son discours […] ne touche que 30% de la population exprimant un suffrage, et donc 1/5e de la population réelle” Bruce Bégout

Dans l’immédiat, que faire ? Il est impossible pour moi bien entendu de voter extrême droite, et je ne mets pas dans le même panier le libéralisme capitaliste et antisocial d’Emmanuel Macron, si arrogant et malfaisant soit-il, et le fascisme larvé de Marine Le Pen et de ses amis du GUD, de la FANE et consorts. À mon avis, les gens de gauche qui pensent que jouer la carte Le Pen dans une politique du pire provoquera une crise institutionnelle bénéfique ont tort. Beaucoup de partis extrémistes sont arrivés au pouvoir par le vote et ne l’ont pas lâché – voyez Viktor Orbán en Hongrie. Ce serait donc un très mauvais calcul de se dire « Pourquoi pas Le Pen ? », non pas par adhésion, mais pour créer un état de crise qui rebattrait les cartes. Je crois malheureusement que si Marine Le Pen arrive au pouvoir, elle pourrait très bien se débrouiller pour le garder et obtenir même une certaine légitimité. D’autant plus qu’avec l’armée et la police aux ordres, déjà influencées par l’idéologie raciste et nationaliste et trop contentes de pouvoir casser en toute impunité de l’islamo-gauchiste, du jeune basané et de l’intello précaire, elle aurait des appuis forts.

“Macron a une grande responsabilité dans la situation actuelle” Bruce Bégout

Je vais attendre les déclarations de Macron dans les jours qui viennent, même si je sais que je n’ai pas trop le choix en fin de compte. En 2017, j’ai voté pour lui comme beaucoup de gens de gauche. Or, il faudrait qu’il en tienne compte et arrête de faire comme si ses idées étaient plébiscitées pour elles-mêmes. S’il continue, entre les deux tours, avec son attaque en règle contre le système des retraites et du RSA, contre les professeurs et les chômeurs, beaucoup de gens de gauche s’abstiendront et je ne pourrai leur donner tort. L’extrême droite a progressé de 10 points sous sa présidence, à savoir comme jamais depuis les années 80. Qu’il en tire donc des leçons, lui qui aime à en donner. Il a une grande responsabilité dans la situation actuelle. En outre, sa réserve de voix à droite est très limitée, les 4.7% des LR. S’il est élu, ce sera nécessairement avec des voix de la gauche. Mais, si par la suite, en faisant l’autruche, il continue une politique réformiste libérale qui casse les services publics et les aides sociales, martyrise l’école, l’hôpital, le tribunal, le monde du travail, l’accueil des réfugiés, on pourra alors parler de hold-up électoral, et la rue ne se laissera pas faire. J’attends donc de voir. Macron a fait une campagne très à droite, il a même flirté à plusieurs reprises pendant son quinquennat avec des thèmes de l’extrême droite, sur l’immigration, le mouvement anti-woke et l’islamo-gauchisme. Les gens de gauche l’ont donc un peu mauvaise, notamment nous, les universitaires. Le quinquennat passé a été une catastrophe à tous les points de vue pour l’université (sous-financement, attaques contre la liberté académique, pénurie des recrutements, remise en cause du statut de titulaire par la multiplication des contrats précaires, etc.) et ce qui se prépare, notamment l’augmentation très forte des droits d’inscription, n’augure rien de bon. Nous nous sommes sali à plusieurs reprises les mains pour lui, qu’il se salisse un peu les siennes, même si j’ai peu d’espoir qu’il entende ces appels et n’infléchisse sa politique vers le centre, voire vers le centre-gauche. Il sait que ce sera son dernier mandat et qu’il n’a pu mener à bien, jusqu’à présent, la politique néolibérale qu’il voulait faire et que ceux qui ont financé sa campagne souhaitaient qu’il fasse – et ce à cause de la crise des Gilets jaunes, du Covid-19 et maintenant de la guerre en Ukraine. Je crains donc que s’il est réélu président, il s’obstine dans son programme réformiste et ne s’expose dès lors à une agitation de rue encore plus forte et plus massive que celle provoquée par la révolte des Gilets jaunes. Il l’aura bien cherché. »

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