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Le président brésilien Jair Bolsonaro en 2018. © Mauro Pimentel/AFP

Économie

Brésil : un État peut-il faire faillite ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 13 janvier 2021 4 min

« Le Brésil est en faillite, je ne peux rien faire » : mercredi dernier, le président controversé Jair Bolsonaro faisait ainsi état de la situation économique catastrophique de la huitième puissance mondiale. Et d’accuser les mesures contre le Covid-19 – « ce virus alimenté par la presse », dont Bolsonaro minimise sans arrêt le danger – préconisés par les gouverneurs régionaux. Si la dette publique brésilienne, qui atteignait 85,5 % de son PIB en juin dernier, préoccupe à l’international, le leader populiste noircit manifestement le trait pour se dédouaner de son incapacité à relancer l’économie du pays en attribuant le marasme aux mesures sanitaires. Le Brésil, après tout, n’est pas encore en cessation de paiement. Et même s’il l’était, pourrait-on dire pour autant qu’il est en faillite ? Un État, si terrible que soit sa situation économique, n’entre jamais en liquidation judiciaire ; il ne peut être dissous pour des raisons économiques. 

Alors, en quel sens peut-on dire qu’un État est en faillite ?

  • La faillite est d’abord une notion juridique : une société est déclarée en faillite par une décision judiciaire, lorsqu’elle ne peut plus payer ses créanciers. Pour compenser cette cessation de paiement, l’entreprise entre en liquidation : ses biens sont saisis pour rembourser ses dettes, et ses créances excédentaires sont annulées. Dernière étape, la dissolution de l’entreprise elle-même, qui, puisqu’elle ne possède plus aucun capital, plus aucun moyen de produire de la richesse, n’a plus de raison d’être. 
  • En ce sens, légal, un État ne peut être en faillite. Il peut, bien entendu, en cas de crise de liquidité à un instant t, se retrouver en cessation de paiement. Mais, contrairement aux entreprises, les biens de l’État ne peuvent être saisis. Il n’existe, en la matière, aucune instance juridique internationale en mesure de décréter une faillite. Et surtout, la richesse de l’État n’est pas quantifiable, contrairement à celle d’une entreprise : elle provient, en particulier, de la souveraineté de l’État sur ses « sujets » – du droit de l’État à prélever des impôts sur les revenus de ceux-ci. Même en cas de faillite, personne ne peut « se saisir » de cette souveraineté de l’État. Personne ne peut dissoudre un État. Parce qu’il est, en principe, éternel (seule une guerre peut mettre fin à un État), l’État est toujours solvable : il finira, un jour, par payer ce qu’il doit. Un État n’est pas une entreprise.
  • Tout est ici question de temporalité : car, si les États finissent par rembourser, les créanciers veulent, quant à eux, être remboursés maintenant, ou du moins dans un futur proche. Contrairement aux États, qui ne meurent pas, les créanciers – qu’il s’agisse de particuliers ou non – se savent mortels : ils comptent récupérer leur dû dans un temps, fini, de leur existence, parce que c’est ce dû monétaire qui les fait vivre. Plusieurs solutions s’offrent alors aux États sous pression : débloquer des fonds d’urgence (par des privatisations, la levée de nouveaux impôts, en battant monnaie, etc.), renégocier la dette, suspendre son remboursement ou s’endetter plus encore pour rembourser sa dette. Qui est prêt, cependant, à prêter de l’argent à un État insolvable ? Certes pas des investisseurs privés, mais des structures qui ne sont pas régies par la seule rationalité économique : d’autres États ou des organismes supra-étatiques, comme la Banque centrale européenne, le FMI ou la Banque mondiale.
  • Si ces stratégies permettent à l’État de se maintenir à flots, elles ont cependant un prix : la sujétion croissante de celui-ci, l’affaiblissement de son économie, la mise sous tutelle de sa politique par des mesures d’assainissement imposées. Et, de ce point de vue, l’incapacité de l’État à se déclarer, légalement, en faillite est une contrainte autant qu’une protection. L’État reste à jamais lié à ses dettes ; il ne bénéficie pas de la « seconde chance » dont peuvent tirer parti les particuliers en cas de faillite personnelle. Contrairement à l’entreprise, l’individu n’est pas dissous par sa propre faillite, il n’est pas « offert » à ses créanciers en contrepartie. En général, si une parties de ses biens est confisquée, il conserve la jouissance de ses biens vitaux et voit le reste de sa dette annulée. 
  • Or, en deçà de l’État, ces exigences des créanciers pèsent directement sur les existences individuelles. Mais, là où l’on reconnaît aux membres d’un peuple la possibilité de se délier individuellement de leurs créances lorsqu’elle deviennent insurmontables, cette même possibilité leur est refusée collectivement. Logique difficile à soutenir, si endettements individuel et étatique conservent la même échelle de temps et pèsent avec une force comparable sur les existences individuelles. Soit nous reconnaissons la temporalité spécifique des peuples, dont les États ne sont que l’émanation, et nous adaptons nos formes d’endettement à cette temporalité longue. Soit nous ignorons cette spécificité temporelle – et, alors, le peuple n’est plus qu’un acteur économique comme les autres, auquel il faut concéder la possibilité d’un défaut de paiement. L’un ou l’autre, mais pas les deux.
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